Zylan ne chantera plus, monodrame engagé contre l’homophobie, à Lyon
Dans le cadre de son projet « Opéra itinérant », l’Opéra national de Lyon veut aller à la rencontre de nouveaux publics, particulièrement auprès de ceux qui n’ont pas habituellement accès au théâtre lyrique.
C’est ainsi qu’une petite équipe s’est mise au travail pour créer ce monodrame, Zylan ne chantera plus, au Théâtre du Point du Jour, avant une tournée régionale. Composée par Diana Soh sur un livret de Yann Verburgh, l’œuvre traite de l’homophobie. Le sujet est néanmoins abordé avec prudence sinon distance dans son projet, puisque l'histoire se déroule dans un pays lointain, mais elle éclatera aussi dans des messages frontaux et directs. Un chanteur de musique pop est victime d’une homophobie institutionnalisée et politique dans un pays rétrograde (invitant aussi à se demander comment et combien la violence d’un emprisonnement arbitraire et les menaces d’exécutions secrètes institutionnalisées, peut aussi susciter un débat sur l’homophobie d’ici et maintenant et du quotidien).
Néanmoins, le livret et la musique sont tous deux assez bruts, traduisant la dimension terrible et injuste de cette histoire vraie. Les textes sont parfois assez crus, la musique est presque constamment oppressante, le plus souvent par la production de bruits, avec aussi les différents timbres, du violoncelle (Loris Sikora) ou de la guitare électrique amplifiée (Maarten Stragier) et surtout par les percussions (Yi-Ping Yang). Le décor même, à plusieurs reprises, devient instrument à percussion, sa légère surélévation offrant une caisse de résonance. L’auditeur a toutefois droit à des moments de tendresse, dans lesquels le chant est soutenu par les contre-chants ou les commentaires du violoncelliste. La partition demande du temps à l’oreille pour s’habituer aux équilibres particuliers de ces instruments et surtout avec la voix (d’autant qu’elle commence par une chanson pop avec microphone en tout début de soirée).
Zylan, ce jeune chanteur en pleine ascension est interprété par le ténor Benoît Rameau, qui se montre souvent captivant malgré quelques longueurs de l’œuvre. Le traitement de la voix est intéressant : le chanteur doit parfois interpoler différents rôles et voix donnant presque un effet de quasi-simultanéité (des soldats et le personnage principal, celui-ci avec sa mère, par exemple) en changeant rapidement de timbre pour passer soudainement de la voix parlée ou de tête à la voix chantée de poitrine avant d’y retourner tout aussi rapidement. Le spectateur distingue immédiatement et aisément la narration : parlée de la pensée du personnage, chantée de son expression ou dialoguée avec des timbres de voix adaptés. La voix de Benoît Rameau est particulièrement sensible, claire et distincte. Son timbre de ténor est lumineux sans trop d’éclat pour coller à son personnage, jeune mais meurtri, avec également des graves déployant quelques soupçons de chaleur et de grain. Il se montre aussi convaincu dans son jeu scénique pour ses différents rôles, jusqu’à incarner le bourreau même. Bourreau et victime, mais surtout touchant et notamment dans deux airs de tendresse : le premier de Zylan à sa mère et le second à son amant (qui rapprochent le public occidental de cette situation émotionnelle et touchante d’autant qu’il s’adresse finalement à l’assistance : si Zylan chantait, il ne chantera plus).
La mise en scène est signée du nouveau Directeur de l’Opéra de Lyon, Richard Brunel, dans une scénographie de Stephan Zimmerli : une forme de cage ouverte vers le public occupe le centre d’un espace blanc, permettant aux lumières de Victor Egéa, souvent froidement blanches mais pas seulement, d’être le plus brut possible. Le mur blanc en-dessous duquel sont placés les musiciens est également l’espace sur lequel Zylan peut écrire en grandes lettres noires « REVE », que ses tortionnaires transformeront par ajouts de lettres en insulte homophobe.
L’œuvre aussi destinée à un public d'adolescents fait ainsi le pari d’une sensibilisation par la distance et des moments de frontalité, suscitant la réflexion et le débat.