Le ténor Kaëlig Boché s’affirme avec éclat à l’Auditorium du Musée d’Orsay
Révélation Classique de l'Adami 2017, lauréat de plusieurs concours de chant importants comme celui de Marseille, tout récent Directeur du chœur d’enfants de Bretagne, Kaëlig Boché forme avec sa compatriote Jeanne Vallée –ils sont tous deux natifs de Rennes et se sont connus au Conservatoire National de Paris lors de leurs études–, un duo chant/piano d’ores et déjà abouti et porteur de projets artistiques ambitieux.
La complicité qui unit Kaëlig Boché et Jeanne Vallée se traduit pleinement tout au long de ce concert qui se partage en trois étapes autour de la mélodie : musique française comme entrée en matière, puis anglaise, avant de conclure avec un répertoire français mais au travers de compositeurs bretons ou inspirés par la Bretagne, comme Paul Le Flem, Guy Ropartz et Louis Aubert. De fait, le jeune ténor qui entame une fructueuse carrière s’affirme comme un musicien passionné, mais aussi comme un chercheur et musicologue désireux de faire découvrir la musique de sa région d’origine au plus grand nombre. Entamant son récital par la difficile Chanson pour le petit cheval de Déodat de Séverac, poursuivant ensuite avec Reynaldo Hahn et L’Enamourée sur un texte de Théodore de Banville, et Henri Duparc avec la fameuse Chanson triste, Kaëlig Boché séduit d’emblée par une musicalité affirmée, sa sensibilité et le soin apporté à l’expression du sentiment juste. La voix claire de timbre se projette avec facilité, souple et teintée d’une sensualité qui anime le propos. L’aigu se montre aisé, un peu dur parfois dans son émission, mais le legato est maîtrisé. Le vibrato se montre serré et l’artiste a souvent recours à la voix mixte. Mais loin d’affadir son propos ou de basculer dans une certaine mièvrerie, cette particularité interprétative caractérise son approche du répertoire mélodique. Par ailleurs, il sait intimement créer une ambiance soit apaisée soit plus ardente selon le cas. Les quatre merveilleuses mélodies de Francis Poulenc, deux sur des poésies de Guillaume Apollinaire –Montparnasse et Bleuet– plus Tel jour, telle nuit et Nous avons fait la nuit d’après Paul Eluard traduisent bien ce dernier aspect de sa personnalité artistique. Dans le répertoire anglais –mélodies d’Ivor Gurney et de Roger Quilter–, il révèle un lyrisme plus appuyé porté par des couleurs plus franches, plus affirmées au niveau du timbre. Son anglais est décidément aussi excellent que son français.
La Bretagne vient donc clore cette heure de musique avec déjà un compositeur passionné par la région, ses traditions et la beauté de ses paysages, Paul Le Flem. L’exigeante mélodie Mandoline sur un texte de Paul Verlaine, et contrairement à celle de Gabriel Fauré sur ce même texte, se déploie sur un vaste moment, plus sombre, plus pesante. Elle est suivie de Soleil Couchant du même Paul Le Flem. La Mer, texte et musique de Guy Ropartz, est tout à fait représentative du compositeur de Guingamp : musique sérieuse, ici presque chaloupée avec une mer bretonne capricieuse. Louis Aubert pour sa part, originaire de la région de Saint Malo, paraît aujourd’hui encore plus oublié que ses deux confrères.
Marqué par le don de la musique dès son plus jeune âge –il fut encore enfant le créateur du Pie Jesu du Requiem de Gabriel Fauré en l’Eglise de la Madeleine en 1888–, Louis Aubert laisse une œuvre importante notamment au plan vocal, dont un opéra La Forêt bleue créé en 1911. Tendresse sur un texte d’Henry Barraud s’apparente à une valse lente un peu contrainte. Mais La Mauvaise Prière sur un texte tourmenté voire désespéré de René Chalupt révèle le talent puissamment dramatique du compositeur. Cette chanson marine appartenait au répertoire réaliste, avec les fameux Goélands, de la Tragédienne de la chanson des années 1920/30, Maryse Damia. Kaëlig Boché en livre une lecture rageuse, tempétueuse, qui donne le frisson et soulève la salle d’enthousiasme.
Sa partenaire au piano Jeanne Vallée se montre plus qu’attentive, à la hauteur des ambitions affirmées par le ténor. Pour bis, les deux artistes choisissent une page beaucoup plus souriante, fraîche et vivante de Francis Poulenc, le délicieux Petit garçon trop bien portant dans laquelle Kaëlig Boché se dévoile librement facétieux et excellent comédien. Ce même programme sera présenté à Londres au Wigmore Hall le 30 octobre prochain. Il sera notamment possible d’applaudir à la scène Kaëlig Boché lors de la vaste tournée française de l’opéra-féérie de Jacques Offenbach Le Voyage dans la Lune (rôle du Prince Quipasseparlà) en fin d'année à l’Opéra de Marseille.