Rentrée patrimoniale à l'Atelier Lyrique de Tourcoing
Ces deux programmes réunissant les répertoires classiques, romantiques et baroques dans le sillon esthétique que creuse et continue de tracer l'Atelier Lyrique de Tourcoing fait ainsi revenir la soprano prodigue Sabine Devieilhe avec le nouveau Directeur des lieux François-Xavier Roth mais également une autre habituée des lieux : Maïlys de Villoutreys qui chantait en 2018 un double Stabat mater à Marcq-en-Barœul en hommage au fondateur des lieux, Jean-Claude Malgoire. Ces deux programmes s'inscrivent dans ce dernier week-end de septembre parmi six concerts gratuits, célébrant le début de saison, le retour plein et entier du public, tout en donnant un avant goût de la programmation 2021/2022 (des répertoires et des lieux patrimoniaux de la ville parcourus).
Les mêmes à Tourcoing la veille, le concert était également magnifique, un très beau moment et un concert gratuit de surcroît en ouverture de la saison de latelier lyrique pic.twitter.com/GV3Rlx9gx3
— Mwenye Nanard (@monienanard) 26 septembre 2021
Sabine Devieilhe vient d'abord en invitée d’honneur du Théâtre Raymond Devos pour une soirée sous le signe des retrouvailles autour d’un diptyque autrichien Mozart / Mahler. La soprano renoue non seulement avec des lieux familiers -Jean-Claude Malgoire fut l’instigateur et le témoin de ses débuts baroques et belcantistes, relayé par le nouveau Directeur de sa Grande Écurie et Chambre du Roy : Alexis Kossenko. Des retrouvailles également avec l’Ensemble Les Siècles du nouveau Directeur maison François-Xavier Roth (quatre ans après leur album Mirages). Le concert est une nouvelle occasion pour la soprano de montrer ses affinités avec le répertoire mozartien et avec l'ensemble jouant sur les instruments des époques choisies (après Mozart, Les Siècles interprètent la 4ème Symphonie de Mahler dans toute la dimension pléthorique de l'instrumentarium et la riche identité de ses timbres).
Ce programme a également été interprété à la Philharmonie de Paris (compte-rendu à paraître très prochainement)
Sabine Devieilhe exécute les périlleuses vocalises de la partition mozartienne avec une agilité redoutable : l’air d’Aspasia de Mitridate, re di Ponto vient clore glorieusement la première partie de spectacle. La pureté et l'agilité sonore sont constantes, aux sommets, même si les contre-ut cristallins par lesquels la soprano s’est à de maintes reprises illustrée, manquent de s’éroder.
Sabine Devieilhe & François-Xavier Roth | (© Cyprien Tollet) |
Le lendemain, à 700 mètres, à un et deux siècles de là, une chaude lumière de fin d’après-midi baigne l’Église Saint-Christophe pour un joyau baroque : le programme Il Pianto della Madonna (titre emprunté à Monteverdi) regroupe un florilège de louanges dramatiques donnant voix à la Vierge Marie et à la mort de Jésus. Maïlys de Villoutreys donne corps et voix à la Madone en entamant le programme par le Salve Regina de Barbara Strozzi délivré dans une justesse de la douleur maternelle et de sa profondeur. Malgré un registre assez linéaire, elle exalte les subtilités émotionnelles et délivre un panel d’émotions (ferveur, douleur, dévotion mais aussi amertume face aux supplices infligés au Christ). Sa maîtrise du registre s’étend jusque dans sa prosodie, avec une transition aisée du latin à l’italien. Chaque phrase est lourde de sens, délivrée avec empathie et élégance. Les nuances sont au service de son expressivité, le tout dans un véritable exercice d’endurance. Le contraste entre sa prestance lumineuse et le texte poignant amplifie la spiritualité du moment, d'autant qu'elle s’approprie l’espace, évoluant du chœur à la nef, captivant depuis le transept.
Les mêmes à Tourcoing la veille, le concert était également magnifique, un très beau moment et un concert gratuit de surcroît en ouverture de la saison de latelier lyrique pic.twitter.com/GV3Rlx9gx3
— Mwenye Nanard (@monienanard) 26 septembre 2021
L’Ensemble Acte 6 dirigé par Ronan Khalil et Samuel Hengebaert offre lui aussi au public l'instrumentarium d’époque, qui retranscrit toute la sophistication des partitions et de chaque ligne individuelle. Une complicité qui se retrouve, comme un nouvel hommage, dans le Stabat Mater de Giovanni Felice Sances. Felice comme le public.