Redécouverte des Vêpres de la Vierge de Cozzolani au Festival d’Ambronay
En 2019, au Festival de Sablé-sur-Sarthe, l’ensemble I Gemelli et leur chef, le ténor Emiliano Gonzalez Toro, firent pour la première fois entendre cette œuvre oubliée de Chiara Margarita Cozzolani (1602-1678), les Vêpres de la Vierge. C’est ce soir au tour du public du Festival d’Ambronay d’avoir le privilège de découvrir cette œuvre et sa compositrice, sœur bénédictine contemporaine de Barbara Strozzi et de Claudio Monteverdi.
Tout en étant au milieu du chœur et y chantant, derrière les musiciens, Emiliano Gonzalez Toro dirige avec une énergie constante. Ses gestes affirmés et même tranchants transmettent toute l'intensité de cette musique, mais perdent toute la souplesse des lignes. Il montre certes le mouvement en se balançant souvent d’un pied sur l’autre mais sans emporter son ensemble. La conduite globale est comme morcelée, manquant fréquemment de précision d’ensemble. Les passages les plus puissants gagnent davantage en éclat grâce aux sacqueboutes et aux cornets à bouquin, très impressionnants donc, mais, sans le contraste de passages plus doux, le texte n'est pas compréhensible.
L’œuvre offre quelques passages solistes, mais qui paraissent à l'étroit, manquant malheureusement d’aisance. Emiliano Gonzalez Toro -dont la voix chaleureuse se rapproche ici plus souvent du registre de baryton- interprète O Maria, tu dulcis avec engagement, voire une passion frôlant le théâtral. Ses vocalises sont maîtrisées et ciselées mais la diction souffre de l’emphase du jeu et de la chaleur un peu exagérée du timbre.
Natalie Pérez se joint en duo au ténor, qui gagne alors en clarté de diction, mais elle n'en fait pas autant, malgré un timbre clair voire transparent, parfois agréablement arrondi. La complicité des deux chanteurs, patente de par leurs regards et leurs sourires, est particulièrement appréciée. En plein milieu du programme, l’ensemble insère une œuvre d’une autre compositrice, également sœur bénédictine qui certainement a influencé Cozzolani, Caterina Assandra (c.1590-1618). Cet intéressant et beau trio permet d’entendre, aux côtés d’Emiliano Gonzalez Toro, la basse Nicolas Brooymans, au timbre chaud et bien projeté malgré quelques maladresses dans la conduite de phrasés, et le ténor Olivier Coiffet, aux aigus droits suffisamment sonores, quoiqu’une ou deux fois un peu tendus.
La contralto Angelica Monje Torrez prend rapidement un peu plus d’assurance, gagnant en clarté dans sa diction, partageant la beauté de son timbre et animant ses phrasés de sensibles intentions. Son intervention est courte mais s'appuie sur les graves sonores de sa collègue Pauline Sabatier. Les graves sont même d’outre-tombe pour Jérôme Varnier. Enfin, les aigus difficiles de la soprano Mathilde Étienne, paraissent âpres et souffrent de justesse.
Bien que la direction soit placée derrière les instrumentistes (les obligeant à regarder du coin de l’œil la claveciniste Violaine Cochard en relai), les instrumentistes maintiennent les équilibres, montant en puissance proportionnellement aux moyens des chanteurs. Il faudra toutefois attendre le pénultième numéro pour que l’accord soit brièvement vérifié et ajusté.
Le public se montre néanmoins reconnaissant de découvrir des œuvres et artistes oubliés, symboliques du foisonnement et de l’exigence des créations et pratiques musicales au XVIIe siècle.