Délicieux voyage d’Anne de la Barre avec Lucile Richardot à Ambronay
L’Ensemble Faenza, dirigé par Marco Horvat, propose au public du Festival d’Ambronay un voyage musical à travers l’Europe du XVIIe siècle grâce au souvenir de la talentueuse chanteuse Anne Chabanceau de la Barre (1628-1688). D’abord remarquée par la Reine Christine de Suède, elle fut invitée, avec toute sa famille, à rejoindre les musiciens de la cour avant de gagner ensuite celles du Danemark puis de France lorsque Christine de Suède abdiqua. En marchant dans les pas de cette personnalité remarquable, remarquée par les plus grands, dont la carrière européenne lui fit rencontrer les compositeurs les plus talentueux de son temps, l’auditeur se retrouve plongé dans cette effervescence musicale, entrainé par ces airs français et italiens ainsi que quelques motets en latin.
La mezzo-soprano Lucile Richardot incarne aujourd’hui cette diva baroque, avec d’abord le même soin de la prononciation, quelle que soit l’une des trois langues dans lesquelles Anne de la Barre était naturellement à l’aise. Les airs français, dont la prononciation classique est agréablement soignée, font entendre une langue savoureuse, profonde et touchante, tel Quoi Clonrinde, tu pars ? du compositeur néerlandais Constantijn Huygens (père du célèbre mathématicien) ou la Plainte d’Ariane extrait du Ballet royal de la Naissance de Vénus de Jean-Baptiste Lully. Lucile Richardot touche d’autant plus que sa ligne de chant est toujours aussi maîtrisée que la prononciation, avec un phrasé très souple et des ornements si définis qu’ils paraissent naturels. S’il était commun de dire que les airs italiens ne sont que plus beaux dans la bouche d’un français, l’auditeur en a ici une belle démonstration, la mezzo-soprano les interprétant avec un plaisir communicatif, parfois même malicieux. Avec la même facilité, elle fait ainsi entendre le délicieux velouté de ses graves et la chaude lumière de ses médiums et de ses aigus. Elle amuse, en jouant les deux amants qui se répondent dans la Serenata « Risposta dalla finestra » de Huygens, ou elle émeut avec engagement dans la Cantate Lamento della Regina di Svezia sur la mort de Gustave II, Roi de Suède, composée par Luigi Rossi. Anne de la Barre s’étant d’abord faite remarquer par ses interprétations d’œuvres religieuses, il est également intéressant d’entendre Lucile Richardot chanter quelques extraits de motets en latin. Avec la Première leçon du mercredi saint de Michel Lambert, sa voix résonne comme de véritables caresses sous les voûtes de l’abbatiale, sur un vibrato agréablement dosé, en soutien des fins de phrases.
Les musiciens de l’Ensemble Faenza accompagnent la chanteuse avec une complicité qui permet de proposer équilibre et couleurs. Quelques rares moments d’inattention font entendre, pour les oreilles très attentives, des départs légèrement décalés ou de petites maladresses, immédiatement compensées par le plaisir de jouer, communicatif (également apprécié dans la Sinfonia a 5 d’Alessandro Stradella, offerte en respiration instrumentale entre deux airs).
En bis, l’ensemble offre le Récit de la loterie extrait du Ballet de l'Impatience de Lully, remerciant ainsi le public de ses chaleureux applaudissements et, avec une amitié patente de la part de Marco Horvat et de ses musiciens, saluant également Lucile Richardot en ce jour fêtant son anniversaire.