Messes basses spirituelles en plein air aux Gobelins
Bien entendu, le chef fidèle à ses interventions spirituelles s'amuse lui-même de cette programmation incongrue (réunissant une Messe de Saint-Saëns et une autre de Gounod, en extérieur). S'adressant au public avant le concert, il remercie les organisateurs d'avoir fait en sorte que la température extérieure s'approche de la fraîcheur dans l'église lors de la création des œuvres, expliquant toutefois que le temps a manqué pour ériger murs et vitraux dans cette cour des Gobelins, reconnaissant lui-même que la hauteur sous plafond (s'élevant jusqu'au ciel) a même imposé des coupes dans le programme.
Effectivement, et ce d'autant plus que l'effectif est ici concentré à 16 voix (celles du Concert Spirituel, Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 2020) et un orgue positif : le son se déploie peu, malgré les quatre panneaux acoustiques. Toutefois, les quelques résonances de cette cour pavée, en extérieur mais intérieure (à l'arrière de bâtiments) et surtout l'attention religieuse du public permettent à la soirée de faire son office, ou plus précisément un office, un "ordinaire" de la messe sans excès aucun.
L'aspect inattendu de concert se poursuit. L'officiant de cette Messe en plein air, en plein mois d'août (dans un lieu qui tourbillonnait de musiques Mozartiennes dans notre précédent compte-rendu) n'est pas le Hervé Niquet animé habituel, pas même le Hervé Niquet calme qui est venu ce soir, mais l'organiste François Saint-Yves. Son jeu reste celui d'un officiant doux, doublant les voix en accompagnateur (mais se perdant un peu dans ses interludes vers la fin du concert). Cette musique ne laisse en effet pas de place à la direction musicale (qui bat la mesure), dans cet effectif au moins : les chanteurs devant soit synchroniser leurs rythmes entre eux, soit déployer des mouvements fugués avec le soutien de l'orgue.
La stase qui s'installe dans ce concert ne fait toutefois pas oublier les exigences imposées aux voix, au contraire : pour ne point fatiguer, les gosiers restent dans un caractère médian, sans flamboyance ni apaisement particulier.
Les ténors notamment serrent et toussotent tout au long du concert et se décalent dans les départs. Les premières sopranos brillent par la continuité lyrique de leur son (alliant les esprits religieux et opératiques qui caractérisent l'esthétique de cette époque comme le rappelle Hervé Niquet). Les voix intermédiaires lancent avec animation les contre-sujets entre deux longues tenues de son homogènes.
Le contraste du concert est en fait ménagé pour sa fin : le Crucifixus / Jesu qui enchaîne une tension puis une douceur, s'exprimant avec intensité par rapport au reste du concert mais encore assez modérément au regard du sens des paroles. Idem pour les Tenebrae / clamavit qui enchaînent leçon de ténèbres et accord plus lumineux.
Quelques chants d'oiseaux viennent rehausser, avant que quelques bruits de moteur ne viennent gâcher (ou vice-versa) les points d'orgue et la fin de ce concert, puis le bis. Hervé Niquet en explique d'emblée la grande lenteur, non seulement par le fait que ses choristes sont en train de "se transformer en statues de glaces" mais surtout car il s'agit de l'Ave Maria de Mozart dans un arrangement que Charles Gounod a dû ralentir au maximum pour le faire interpréter par 600 choristes anglais. Le public s'en retourne ravi, comme ces santons en sortant de la messe.