Gala d’opéra à Belle-Île-en-Mer
Le public est convié ce soir à écouter un récital à l’occasion du Gala d’opéra du Festival lyrique de Belle-Île. Pour l’occasion, la salle de l’Arsenal de la Citadelle Vauban est transformée en scène de concert. Les interprètes ont choisi un ensemble de morceaux allant de l’époque baroque au début du XXe siècle, qui résonnent dans l’ancien fort militaire, décor historique du Festival de Belle-Île. Accompagnés au piano par David Jackson, les chanteurs, un à un, en duo ou en quatuor, enchaînent Korngold, Puccini, avec Haendel, Mozart, Beethoven, ou encore Tchaïkovski et Dvořak.
La mezzo-soprano Éléonore Gagey ouvre le spectacle, avec Sein wir wieder gut, extrait d’Ariane à Naxos de Strauss. Elle déploie une voix souple et contrastée, alors qu’elle chante sa belle ode à la musique, dans le rôle du Compositeur. La diction est claire et la prononciation allemande est maîtrisée. Elle revient plus tard en Rosina, dans Una voce poco fa du Barbier de Séville, qu’elle rend avec une énergie brillante. Elle illustre enfin l’un des moments forts de la soirée avec Scherza infida d’Ariodante, alliant technique et émotion pure, une émotion qu’elle insuffle également au public, qui se prend à partager sa détresse, avant de saluer la prestation d'une salve d’applaudissements vigoureux.
Vient à sa suite le baryton Łukasz Klimczak. Il entre sur scène pour chanter Korngold, Mein Sehnen, mein Wähnen, de La Ville morte. Il projette une voix ample et profonde qui sied pleinement à l’air interprété. Il revient pour incarner Don Giovanni, où il partage la scène avec la soprano Lauren Urquhart pour un très beau La ci darem la mano, suivi de Deh, vieni alla finestra. À noter que son incarnation du grand séducteur est plus terrifiante que tentatrice et confère à ses airs légers un aplomb diabolique. Il est enfin Eugène Onéguine, alors qu’il chante sa réponse à la lettre de Tatiana dans Kogda by zhizn domashnim krugom, d’abord bien dédaigneux, puis plus réconfortant et engagé. La prononciation russe est excellente et le chanteur détache chaque syllabe, pour une compréhension aisée et démontrant une maîtrise complète du morceau.
Le ténor Peter Tantsits entame sa partie avec Firenze è come un albero fiorito, chargé d’une émotion naïve qui durera toute la soirée. Le choix de cet air extrait de Gianni Schicchi, ainsi que de Mein lieber Schwan de Lohengrin, est toutefois un exercice périlleux, trop ambitieux pour sa voix, qui manque de l’amplitude nécessaire aux rôles. Il est meilleur dans Mozart, où il est un Idoménée pénétrant dans Andro ramingo e solo.
Enfin, la jeune Lauren Urquhart projette une voix enchanteresse, au timbre clair et lumineux. Elle excelle, elle aussi, dans le baroque en Morgana d’Alcina, aussi souple que remarquablement précise à chaque note. Elle charme le public avec O mio babbino caro (Gianni Schicchi encore), bien que la voix soit encore trop légère pour chanter Puccini. Elle clôt le récital dans le rôle de Rusalka, avec la fameuse Chanson à la lune où là aussi, elle allie technique et grâce, avec une prononciation claire en langue tchèque.
Une autre perle de la soirée est le Mir ist so wunderbar de Fidelio, chanté une seconde fois en bis, qui réunit sur scène les quatre solistes. Les voix de Lauren Urquhart et d’Eléonore Gagey se rejoignent dans une très belle harmonie, soutenue par les longs graves du baryton et les éclats de Rocco. Le duo des Pêcheurs de perles (Au fond du temple saint) est cependant moins convaincant, car les voix n’ont pas la même puissance, le ténor s'essoufflant pour projeter autant que le baryton : manque également l’alchimie entre les deux chanteurs, un regret pour un morceau vantant la vertu de l’amitié, au-delà de l’amour.
Au piano, David Jackson est un accompagnateur précis et sans heurt, engagé dans son jeu avec souplesse et fluidité pour retranscrire des morceaux d’orchestre où Puccini est particulièrement honoré. Sous des applaudissements chaleureux, dans une salle remplie, le concert prend fin, alors que tombe la nuit étoilée de Belle-Île.