À Massy, L’École des femmes à la croisée des genres
Devant une salle comble se dresse une façade de maison bourgeoise. Sur le côté de la scène, trois musiciens rythment l’intrigue à intervalles réguliers : une flûtiste, un violoniste et un violoncelliste accompagnent les airs insérés à l'intrigue, et habillent les transitions entre les scènes. Ils servent également de chef au moment du Tutti final lorsque la joyeuse troupe s'emballe et accélère le tempo.
Nicolas Rigas est Arnolphe, le personnage principal de la comédie de Molière, qui souhaite épouser Agnès, jeune ingénue qu’il a fait grandir loin du monde par peur d’être trompé. Omniprésent, Nicolas Rigas (qui signe également la mise en scène) montre son jeu d’acteur sans extravagance mais tout en finesse, que ce soit dans les regards ou les soupirs de désespoir à mesure qu’il perd le contrôle sur la situation. C’est bien dans son souffle que le public reconnait le chanteur lyrique, qui n’apparait qu’en milieu de spectacle avec l’air « Dans les rôles d'amoureux langoureux, Je sais que je suis pitoyable » d’Offenbach. Le baryton chante la gorge serrée, ce qui le limite sur certains aigus mais il garde tout de même un timbre plutôt large dans les graves.
Dans le rôle d’Agnès, Mylène Bourbeau met son timbre fluet au service de l’ingénuité de son personnage. Tel un rossignol, elle tricote les vocalises des airs qu’elle interprète avec limpidité et légèreté, représentant justement « la tourterelle » qui comme Agnès décide de prendre son envol. Son jeune amant Horace est précisément incarné par Martin Loizillon, acteur qui pousse la chansonnette le temps d’une « Barcarolle » partagée avec la soprano. Celle-ci sait adapter le volume de son chant à la voix timide mais toujours juste de l’acteur qui honore les harmonies du célèbre duo en prenant la partition de mezzo à l’octave. La fraicheur de son jeu et son dynamisme soulignent la jeunesse et l’insouciance de son personnage.
Les rôles d’Alain et de Georgette sont tenus par Romain Canonne et Kevin Souterre, tous deux excellant dans la comédie de geste : mimiques et même cascades sont au rendez-vous pour le plus grand plaisir du public qui rit, notamment lorsque ceux-ci se battent en empruntant des mouvements aux arts martiaux.
Jean-François Vinciguerra et Salvatore Ingolia sont respectivement Oronte et Chrysalide, qui viennent dénouer le quiproquo final : le père d’Agnès a accordé à Oronte la main de sa fille pour Horace. C’est un tutti qui entonne « chantons cette journée », cette fois emprunté au répertoire de Rossini (Le Barbier de Séville) pour célébrer le dénouement heureux de l’histoire. Bien que l’ensemble peine à rester au tempo, c’est sous un tonnerre d’applaudissements que les acteurs et les musiciens saluent. Nicolas Rigas clôt la soirée en remerciant le public d’être au rendez-vous, si heureux de retrouver la scène qu’il en est emporté par l’émotion. Il annonce également la création prochaine d’une nouvelle adaptation du Médecin malgré lui de Molière, qui sera cette fois rapproché du répertoire de Gounod.