La Musique refleurit au Potager du Roi à Versailles
Entre toutes leurs significations, les fleurs blanches qui ornent l'avant-scène sous la serre dans le Potager du Roi à Versailles ont probablement été choisies ce soir pour rendre hommage au nouveau départ, à la nouvelle vie que le monde culturel est en train de vivre. C'est avec ce passionnant message d'espoir et une voix émue que le Directeur artistique Jean-Paul Scarpitta, vêtu de rouge, lève le rideau sur la deuxième soirée de concerts dans ce cadre royal prestigieux.
Si la veille, un Gérard Depardieu attachant a ouvert le bal en chantant Barbara, c'est un double concert (à 19h et à 21h) qui est agilement dirigé ce soir par Victor Julien-Laferrière, enchantant un public en petit comité mais particulièrement chaleureux également envers la soprano Marion Tassou.
Le premier programme est un triptyque Mozartien qui passe du désespoir (Idoménée), aux larmes (Abendempfindung-Sensation du soir), pour faire également renaître désir et attente d'une vie qui jamais ne meurt (Les Noces de Figaro). Ce premier concert se referme dans les mêmes sentiments de sérénité et d'espoir, avec la Sérénade n°1 de Brahms, loin de l'agitation et des passions de la jeunesse. Le jeune Orchestre Consuelo en défend la version orchestrale (réalisée par Brahms après sa première mouture chambriste) avec une sonorité pleine, tantôt riche en couleurs vives, tantôt en clair-obscur délicat. Victor Julien-Laferrière, violoncelliste de renom, montre une élégance particulière dans le rôle de chef d'orchestre. L'interprétation est raffinée, dans ce premier concert, mais encore davantage pour le deuxième qui convoque la Symphonie n°4 de Gustav Mahler (version orchestre de chambre réalisée par Erwin Stein en 1920).
Cette Quatrième Symphonie porte le message du compositeur lui-même : « De même que la vie va toujours de l'avant, il me faut à chaque fois parcourir un nouveau chemin ». Une musique qui parle de la forêt, avec ses merveilles et ses terreurs, parachevée par un Lied angélique pour soprano. Une réflexion sur les thèmes de la mort et de l'enfance, mais aussi menée avec des traits ironiques, et clôturée par une pacification.
Le Lied confie à la voix de la soprano des échos thématiques et des résonnances tubulaires entendus auparavant, exprimant les joies célestes mais réunissant avec modestie danses angéliques et plaisirs d'un banquet champêtre. La voix de Marion Tassou parvient à incarner ces nuances avec plénitude et d'une manière approfondie, dans l'entrelacement contemplatif avec l'orchestre jusqu'aux dernières mesures murmurées. Déjà très charismatique dans la première partie de soirée, où elle démontre la qualité de sa diction en italien comme en allemand, sa tenue de souffle et sa présence scénique, elle déploie pour Mahler une puissance délicate, celle des roses blanches jetées en gerbes sur la scène, avec l'accueil enthousiaste du public.
La soprano, le chef et l'orchestre, roses en mains, remercient avec révérence le public et la musique qui reprend ses couleurs.