Concert de clôture virtuose au Lille Piano(s) Festival
Le "Lille Piano(s) Festival" organisé par l'Orchestre national de Lille mérite assurément que son pluriel sorte de sa parenthèse, à l'image de cet événement qui sort des cadres pour mieux inviter le public à rentrer dans les salles de concerts sous toutes ses formes et architectures. Le "Lille Piano(s) Festival" pourrait tout aussi bien être nommé le "Hauts-de-France Claviers Festival" tant il montre l'instrument à touches dans toutes ses formes et styles : près d'une quarantaine de concerts en un week-end mettent aussi bien à l'honneur le piano à queue concertiste (en soliste, à deux mains ou deux pianos -ou davantage) en format chambriste ou avec grand orchestre, son aîné le clavecin, son puîné le clavier électronique, invitant des artistes de toute la région (et au-delà) pour des musiques classiques, jazz, rap, etc.
Ôlyrix a ainsi pu couvrir trois concerts lyriques en 26 heures, dans trois lieux avec trois effectifs et trois répertoires tous aussi riches et variés.
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En prélude, ce concert de clôture s'ouvre sur une œuvre électro-acoustique spatialisée du compositeur Åke Parmerud mise en ondes par Hervé Déjardin. Ce moment d'avant concert traditionnel dédié à l'accordage l'est ici littéralement, donnant le la et même les 7 la (que contient le piano et qui composent le matériau exclusif de cette œuvre phrasée, variée et rythmée).
Ce Concerto pour la lance le Concerto pour piano n°23 de Mozart, porté par les élans énergiques à l'unisson du chef Jean-Claude Casadesus et du pianiste Cédric Tiberghien. Ce concert de clôture est ainsi à l'image de ce festival : riche et à l'écoute. Le chef continue ainsi de diriger même pendant les passages solistes du piano, suivant ainsi pleinement sa musicalité et assurant la continuité de sa transmission à l'Orchestre de Picardie. De même, le pianiste accompagne, suit de la tête et des épaules (et chante même silencieusement) les passages orchestraux sans piano.
Cédric Tiberghien se penche jusqu'au bord de la caisse de résonance de son instrument, alliant la précision et l'expression dans une impeccable virtuosité, au service de la nostalgie du mouvement lent (comme un clair de lune) comme pour les foudres des mouvements rapides. Le chef lui répond par une direction énergique, multipliant parfois à l'excès les décompositions et diffractions des gestes mais conservant une battue charismatique suivie et intégrée pleinement par tous les musiciens (et même les spectateurs).
Cette écoute se fait ainsi symbiose musicale, la précision énergique des gestes instrumentaux se renforce entre clavier, baguette mais également tous les instruments et les voix. Le Chœur Régional des Hauts-de-France s'élance ainsi sur le martèlement balayé du piano et la richesse de ses lignes pour entonner la Fantaisie Chorale de Beethoven avec précision et articulation. Les phrases sont toutefois un peu hachées, notamment dans le soutien harmonique des chanteuses, mais l'effet est atténué par la douceur des basses et les couleurs pincées très placées des ténors. Le tutti vocal passe peu le rideau sonore des accords orchestraux, mais cela s'explique notamment par les contraintes sanitaires (les choristes sont en nombre réduit, distancés entre eux et au fond de la scène dans les travées derrière l'orchestre). Pourtant, les quelques voix solistes lançant les mouvements fugués parmi le chœur sculptent des entrées radieuses et limpides, dans une articulation modèle et modelée de l'allemand, reprise en tutti. Le lyrisme et la grandeur de cette Fantaisie Chorale annonce ainsi, dans l'esthétique, l'éloquence de la 9ème Symphonie de Beethoven et des symphonies de Mahler.
L'union musicale du pianiste et du chef, démontrée durant le concert et au service de tous les musiciens, se matérialise également par une intense accolade aux saluts. Le public acclame ce concert et ce Festival, obtenant la fin du programme en bis.