À l’Opéra de Limoges, une bonne (et solidaire) bouffée de grands airs lyriques
Une saison baptisée “Renaissance” pouvait-elle démarrer par autre chose qu’un concert de gala doublé d’un hommage au personnel soignant ? L’Opéra de Limoges, en tout cas, a fait un choix clair à l’heure de programmer le premier concert lyrique de sa saison 20-21 : celui de ravir son public en lui proposant des “tubes” connus de tous, et celui de ne pas oublier le personnel hospitalier si durement mobilisé ces derniers mois. Le concert est ainsi estampillé “solidaire”, et se trouve tout spécialement dédié “aux étudiants et internes qui se sont portés volontaires lors de la crise du printemps”, ainsi que mentionné dans le programme. Il est par ailleurs diffusé, en direct, dans toutes les chambres du CHU de Limoges. De quoi démultiplier l’audience, la salle n’étant qu’à moitié remplie en ce soir de rentrée lyrique, la faute aux mesures restrictives de rigueur.
Et l’envie de chanter, fut-ce intérieurement, est assurément partagée par tous à l’écoute d’un programme aussi riche et alléchant. Après l’ouverture de Nabucco, paraissent le Figaro de Rossini (air du “Factotum”), Don Giovanni (“La ci darem la mano”), Nemorino (“Una furtiva lagrima”) ou encore Norma (“Casta Diva”). Viennent ensuite La Wally de Catalani (“Eben ? Ne andro lontana...”), Rodolfo et Mimi (“O Suave fanciulla”, La Bohème), ou encore Escamillo et son grand air du Toreador puis Nadir et Zurga dans leur incontournable duo des Pêcheurs de perles. Un programme de gala où Offenbach ne pouvait qu’être convié, en l’occurrence au travers de La Belle Hélène et de Madame Favart.
Rayonnante Diana Axentii
Un menu empli de belles réjouissances, donc, et servi par trois artistes à la carrière encore jeune mais à la voix déjà bien affirmée. La soprano Diana Axentii, attendue en Marianne dans Le Chevalier à la rose en janvier prochain à Avignon, s’illustre par une voix au timbre clair et charmant, aux couleurs ardentes dans les graves et ne manquant pas d’éclat dans les aigus. Le chant est toujours mélodieux et l’artiste pleine de générosité dans ses interprétations telles celles, magnifiques et captivantes, de Norma puis de La Wally.
Matthieu Justine livre aussi une performance emplie de musicalité, avec sa voix joliment timbrée, émise avec assurance et brillance. Le grand air de Nemorino est interprété avec toute l’émotion et la sensibilité attendues. Déjà vu dans ce rôle à l’été 2019 à l’Opéra des Landes, le jeune ténor s’illustre aussi en Pâris (La Belle Hélène), notamment dans cet air de la “Tyrolienne” où l’artiste, par sa voix élastique, fait une brillante (et dépaysante) démonstration de sa maîtrise du yodel (passage rapide de la voix de poitrine à la voix de tête et vice-versa).
En Don Giovanni comme en Escamillo, rôles dans lesquels il use de tout son charisme, Anas Séguin, révélation classique de l’Adami en 2014, met en exergue une voix émise avec caractère, ainsi qu’un souci certain de soigner la diction. Le timbre est clair et le medium plutôt charnu, mais hélas la voix a parfois tendance à s’effacer devant l’orchestre, notamment dans les passages fortissimo.
Aussi, s’ils se mettent en lumière individuellement, les solistes brillent également dans les duos et trios qui les réunissent, qu’ils soient plein de tendresse (“La ci darem la mano”, “Au fond du temple Saint”) ou de drôlerie (trios et couplets de Madame Favart). C’est d’ailleurs tous ensemble, et sur des airs de fête (“Tous les trois réunis” de la Fille du Régiment, puis l’incontournable “Libiamo”) que le trio conclut le concert dans un même élan d’enthousiasme et de fraîcheur vocales.
En effectif réduit, et avec un mètre de distance entre chaque pupitre (ce qui devient presque une habitude désormais), les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Limoges livrent une performance en tous points réjouissante sous la baguette énergique du chef Philippe Forget. L’ouverture de Nabucco, l’Intermezzo de Cavalleria Rusticana ou encore la Méditation de Thaïs (avec une mention spéciale pour la violoniste solo Elina Kuperman) sont joués avec un sens aiguisé de la musicalité et de la juste variation des nuances et des tempi. Que de fougue et de transport, notamment, dans un vibrant Intermezzo semblant plus que jamais sonner comme un hymne pour temps difficiles où l’espoir de jours meilleurs, malgré tout, semble n’être jamais loin.
Des sentiments de circonstance pour un concert solidaire chaleureusement applaudi, les ovations allant autant aux artistes qu’aux soignants, à qui de nombreux autres concerts seront dédiés lors de cette nouvelle saison limougeaude.