Voyage inattendu, entre baroque et jazz, pour clore le Festival Concerts d’automne à Tours
Le concert de cet après-midi, en la salle du charmant et Grand Théâtre de Tours, ne permet pas de rejoindre le rassemblement citoyen organisé place Jean Jaurès en commémoration de Samuel Paty, professeur victime d’un odieux attentat. Avant de débuter le concert, François Bazola invite donc le public à se joindre à ce temps républicain en respectant une émouvante minute de silence.
Le chef d’orchestre et chanteur François Bazola l’annonce sans détours en introduction : loin des concerts qu’il a pu proposer les dernières années lors du Festival Concerts d’automne, il propose cet après-midi un voyage particulier à travers une variété d’œuvres du XVIIe siècle connues ou méconnues interprétées sous un éclairage nouveau et personnel. Effectivement, dès les premières mesures du Go nightly cares de John Dowland (1563-1626), le chanteur et les six musiciens de son Ensemble Consonance plongent l’auditeur dans un univers unique, un peu indéfinissable car puisant de multiples références : à commencer bien sûr par le Baroque via le choix des œuvres, mais surtout dans les mondes du jazz, voire parfois des musiques pop des années 80, jusque même des incursions dans le music-hall. L’auditeur doit bien s’accrocher pour ne pas tomber lors d’un soubresaut de cette originale odyssée musicale car il n’y a pas de fil rouge apparent pour rattraper le train en marche.
Il faut effectivement bien s’accrocher. Certaines expérimentations sont fort intéressantes, comme le mariage étonnamment efficace entre le saxophone baryton et la viole de gambe, les propositions énigmatiques de l’accompagnement électronique du Fender Rhodes lors de Noires forêts d’Antoine Boësset (1587-1643), la version intimiste et jazzy du Flow my tears de Dowland, avec la viole de gambe tenue et jouée comme une guitare, ou encore la version un peu gospel/soul d’Amours dont les charmes puissants de François de Chancy (1600-1656). Si les œuvres sont écrites par des compositeurs de l’ère Baroque, l’interprétation générale se rapproche bien plus d’un concert de jazz. Quelques rares spectateurs, non préparés, peuvent alors se lasser des longues et fréquentes improvisations, des suggestions expérimentales et polyrythmiques parfois bruyantes et confuses, notamment du percussionniste qui va jusqu’à jeter des cymbalettes vers les coulisses pour produire un effet difficilement compréhensible lors d’un extrait du Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi (1567-1643).
Les spectateurs reconnaissent toutefois les talents de chaque musicien, notamment la jeune chanteuse Judith Derouin qui se montre à l’aise dans tous les styles grâce à une voix agile et une claire palette de timbres. Sa voix aux couleurs candides est très différente de celle large de François Bazola, merveilleusement profonde, laissant entendre ses années d’expérience mais paraissant de fait parfois en décalage avec la légèreté de certains styles d’interprétations. Quoi qu’il en soit, François Bazola est prophète en son pays. Les applaudissements d’un public encore rajeuni à l’occasion démontrent la popularité du chef et des musiciens de son ensemble. L’audace de l’ouverture referme ainsi le Festival des Concerts d’automne 2020, qui continue de s’ouvrir vers tous les publics !