Cantates de Beethoven à l’Auditorium de Radio France
Radio France joue ce soir la carte de l’originalité en présentant, non pas un monument musical de Ludwig van Beethoven (1770-1827), mais deux cantates de circonstances écrites en 1790 : la Cantate sur la mort de l’empereur Joseph II et la Cantate pour l’accession au trône de l’empereur Leopold II. Le compositeur n’a alors que 20 ans et y laisse entendre bien encore sa formation classique, certains passages sonnant même mozartiens. Toutefois déjà, ses talents de mélodistes et la puissance de son orchestration se ressentent.
Ces deux œuvres sont l’occasion d’entendre particulièrement la soprano slovaque Simona Šaturová. Ses toutes premières interventions, avec chœur et orchestre, se font avec force, notamment grâce à un large vibrato qui ne l’aide pas à trouver l’équilibre dans l’étendue de sa tessiture, avec des aigus perçants et des médiums-graves peu présents. Il faut attendre son récitatif éploré « Er schläft, von den Sorgen seiner Welt entladen » (Il dort, délivré des soucis du monde) pour apprécier les grandes qualités d’émotivité de la chanteuse dont les piani paraissent comme sur un fil, souvent présents et toujours prenants. Son texte manque parfois de consonnes mais ses phrasés sont cohérents et empreints de douceur. Son long air « Fliesse, Wonnezähren fliesse! » (Coulez, larmes de bonheur, coulez !) est tendre mais la soprano laisse sentir un début de fatigue, avec des vocalises certes maîtrisées mais manquant un peu de ciselé.
Le baryton croate Krešimir Stražanac offre aussi quelques interventions convaincues de sa voix noble et par sa projection puissante. Il sait attirer toute l’attention de l’auditeur, particulièrement par la clarté de sa diction. Quelques traits surgissent du ténor Maximilian Schmitt, à la voix bien présente, parfois éclatant juste et aux phrasés subtils. Il est dommage que certains aigus, notamment lors du trio, paraissent moins sûrs. Les interventions de l’alto Laure Dugué sont trop rares, et toujours en ensemble, pour apprécier la chaleur apparente de son timbre. Dans ce peu d'interventions, sa concentration n’est pas optimale, avec un peu d’avance sur certains départs.
Distanciés dans les gradins derrière la scène, chacun séparés de deux ou trois places et d’une rangée, les artistes du Chœur de Radio France sont en effectif réduit de moitié (45 au lieu de 90). Si le plaisir eut évidemment été décuplé avec un chœur symphonique complet, leur prestation est tout à fait admirée, particulièrement dans les conditions exceptionnelles qu’impose cette disposition. Grâce à la préparation d’Edward Caswell, jamais le chœur ne fait défaut d’homogénéité et fait même entendre sa pâte si caractéristique. L’isolement des chanteurs pourrait faire croire qu'ils se distingueraient aisément, il n’en est rien, que ce soit dans les passages les plus puissants comme dans ceux les plus doux. Tout en étant unis, sous la direction aussi précise qu’énergique de Václav Luks, les départs et les fins de phrases sont d’une grande précision.
Les cordes de l’Orchestre National de France font preuve des mêmes qualités, faisant entendre des couleurs aussi diverses qu'homogènes. Les pupitres des vents connaissent plus de difficultés, que ce soit dans les couleurs d’ensembles ou dans la justesse, particulièrement les cors. Pourtant, chaque intervention soliste dévoile des timbres charmants et des phrasés toujours choisis (particulièrement le duo agile et chantant, voire touchant, de la jeune flûtiste Hélène Boulègue et du violoncelliste Raphaël Perraud lors de l’air larmoyant de la soprano).
Si ces deux cantates ne sont pas à la hauteur des chefs-d’œuvre composés par Beethoven quelques dizaines d’années plus tard, le public se montre ravi d’avoir pu découvrir ces deux œuvres de jeunesse qui annoncent tout de même les partitions à venir, grâce à l'investissement des artistes et des invités de la Maison de la Radio.