"Immortel Requiem" de Mozart à la Philharmonie de Paris
Le Requiem est l’ultime œuvre du maître et sa composition est baignée de mystère entretenu par un écheveau de légendes et de mythes que les musicologues et les interprètes n’en finissent pas de démêler. 228 ans plus tard, le Requiem, achevé par Süßmayr (élève de Mozart), demeure une œuvre emblématique la plus jouée dans le monde. Cette œuvre magistrale qui passe du bonheur théâtral au bouleversement religieux, du cri terrifiant à la prière contenue fut et sera un modèle pour les Requiem suivants. Il est également une source d’inspiration pour la jeune compositrice Clara Olivares qui, répondant à la commande de l’Orchestre de chambre de Paris et de la Philharmonie de Paris d’une pièce orchestrale devant être jouée avant le Requiem, compose Lebewohl (Adieu), créé ce soir dans la grande salle Pierre Boulez.
Bien que la voix soit absente de cette création, « les trois mouvements aux caractères distincts comportent des références symboliques ou musicales au Requiem ». La sonorité de l’orchestre est enrichie de timbres particuliers (bruitages des clés des instruments à vent et des archets sur la caisse des violoncelles tenus retournés, bruits de souffle). Les nappes sonores ondoient sous l’effet d’addition de notes jouées un quart de ton plus bas, faisant frémir les notes réelles. Les liens avec le Requiem apparaissent clairement avec une alternance de dynamiques très contrastées et une part belle faite aux trompettes dans le troisième mouvement.
La transition de cette création vers le Requiem se fait par une courte pièce pour chœur de cette même compositrice qui a voulu créer « un espace expérimental, d’inspiration rituelle, dans lequel les textures instrumentales -puis vocales- se veulent être une préparation à l’écoute apaisée du Requiem. »
Le chœur, omniprésent, y déploie sa magnificence par l’intermédiaire du Chœur accentus préparé minutieusement par Christophe Grapperon et dirigé attentivement par Lars Vogt. La grande précision et la clarté de l’ensemble révèle la construction polyphonique et permet la distinction de toutes les parties dans les fugues (Kyrie, Sanctus). Sa capacité à exécuter toutes les dynamiques insufflées par le chef (qui chante avec le chœur) révèle la diversité de l’œuvre, de la violence cataclysmique (Dies irae) à la douceur paradisiaque (Lachrymosa). Les voix savent être vibrantes et projetées (Rex Tremendae) mais également angéliques et diaphanes (« Voca me » dans Confuntatis) sans perdre la rondeur et l’homogénéité de l’ensemble. Tout est soigné jusqu’aux « S » finaux, très délicatement sifflés.
Pour ses débuts avec l’Orchestre de chambre de Paris, Lars Vogt se confronte à un monument de la musique et y inscrit son empreinte : tempi allants, accentuation des dynamiques et énergie sans cesse renouvelée. Sa priorité semble être le phrasé et les directions des lignes dans lesquelles chaque note est expression et chaque couleur valorisée. Le discours est clair et tout en relief au détriment cependant de quelques départs pas toujours soignés. Toute sa personne est tendue vers le chœur et l’orchestre, laissant les solistes, placés en avant de scène, quelque peu livrés à eux-mêmes ce qui occasionne des imprécisions d’ensemble et de départ. À cela s’ajoute la difficulté pour les solistes à harmoniser leur voix (intervenant la plupart du temps en ensemble), venant d’univers musicaux très différents.
La soprano Mari Eriksmoen au timbre clair et bien défini semble la plus en adéquation avec le discours mozartien. Sa voix subtilement vibrée, la clarté de ses voyelles et son doux phrasé accueillent l'auditoire tel un ange au royaume des cieux. De par sa position à l’extrême gauche du chef (distanciation oblige), elle peine parfois à synchroniser son chant avec l’orchestre et le chœur sans pour autant déstabiliser sa souple émission et ses aigus cristallins. La mezzo-soprano Aude Extrémo possède une voix large et puissante qui lui permet une belle présence dans les ensembles. Cependant sa couleur vocale sombre (accentuée par des voyelles très couvertes) et des nuances trop discrètes rendent difficiles l’homogénéité avec les autres chanteurs.
Le ténor Sébastien Guèze possède une voix aux belles résonances et un phrasé généreux. Il semble néanmoins davantage habitué au répertoire belcanto, parsemant ses phrases de notes prises par en dessous tels des petits sanglots véristes. La basse Yannis François, venant plutôt de la musique ancienne, possède un timbre précis richement timbré. Manquant parfois de puissance, il est obligé de pousser quelque peu son émission au détriment de la justesse (notamment lorsqu’il entonne seul le Tuba mirum).
Le public applaudit chaleureusement les artistes qui se saluent au coude à coude, et acclame le Chœur accentus.