Actéon en chantier enchanté par Les Cris de Paris au Festival d’Ambronay
Compte tenu des circonstances exceptionnelles, les festivals ont dû recréer des programmations proposant des concerts au format inédit. Les artistes ont aussi dû redoubler d’inventivité afin de s’adapter à ces demandes toutes particulières. C’est ainsi que Les Cris de Paris de Geoffroy Jourdain proposent, en collaboration avec le comédien-metteur en scène Benjamin Lazar, une adaptation d'opéra baroque : Actéon, tragédie lyrique de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704). Cette œuvre est notamment toute choisie par sa durée, idéale quant aux nouvelles consignes, d’environ 40 minutes.
Après avoir entendu l’intrigue racontée par Benjamin Lazar, d’abord au public placé dans la nef, ensuite à celui assis dans le chœur, les musiciens des Cris de Paris débutent un prélude annonçant d’ores et déjà une interprétation tout en couleurs, avec notamment des basses très actives (ce qui, à l’image de la direction engagée de Geoffroy Jourdain, n'est pour déplaire à personne). La disposition bi-frontale de la scène et l’acoustique généreuse de l’abbatiale d’Ambronay exigent de l’ensemble et des auditeurs quelques mesures seulement afin que le discours instrumental gagne en clarté. La disposition originale de la scène suscite toutefois une interrogation quant au placement des chanteurs : placés sur un podium de côté lorsqu’ils chantent en chœur, ils sont quelque peu parsemés sur l’espace scénique lorsqu’il sont commentateurs. Se crée alors toutefois une spatialité particulièrement intéressante lors de la première scène « Allons, marchons, courons, hastons nos pas. », lors de laquelle le figuralisme de la chasse est amplifié, comme si diverses voix perçaient à travers la forêt des piliers de l’abbatiale. Lors de la scène finale, l’auditeur ayant un chanteur plus proche qu’un autre, selon son placement, voit son écoute particulièrement reconfigurée.
Dans la distribution de ce soir, le pauvre Actéon, transformé en cerf pour avoir épié Diane prenant son bain, est incarné par le ténor Constantin Goubet, au timbre clair, voire brillant, mais facilement tendu dans les aigus. Si son intervention lors de la scène 3 « Le seul hasard et mon malheur font toute mon offense » et son air de la scène suivante « Mon cœur autrefois intrépide, quelle peur te saisit ? » se montrent touchants et tendres, le chanteur paraît un peu moins à l'aise dans les scènes précédentes. La fière Diane est interprétée par la soprano Adèle Carlier, à la voix radieuse et douce. Quant à la déesse vengeresse Junon, elle est chantée avec caractère par la mezzo-soprano Marielou Jacquard, au timbre velouté. L’ensemble des chanteurs montre des timbres différents sans souffrir d’hétérogénéité. Les départs sont précis, les fins de phrases le sont parfois moins. Enfin, les instrumentistes savent accompagner avec justesse, soutenant avec pertinence les phrasés impulsés par leur chef. C'est notamment appréciable lors de la ritournelle orchestrale qui aboutit à la métamorphose d’Actéon avant qu’il ne soit déchiré par ses propres chiens.
Si cette production est présentée comme étant une tournée expérimentale, dont le spectateur assiste au travail en cours, il ne peut que se montrer impatient de découvrir le résultat final, complètement mis en espace et en effectif complet. Être satisfait avant même d’avoir le travail abouti, voilà une belle expérience pour cette (presque) fin de festival !