Eva Zaïcik et Les Ombres transcendent Ambronay lors d’une nuit baroque
Les concerts éclairés à la bougie sont certainement une attraction en plein développement, l’imposition de jauges réduites et le besoin d’attirer de nouveau le public obligeant. Néanmoins, l’atmosphère tamisée qui est ce soir proposée dans l’abbatiale d’Ambronay ne manque pas de cohérence avec le programme. Celui-ci propose en effet des airs sérieux de la musique française du XVIIe siècle et, en seconde partie, des airs italiens de cette même époque. La disposition bi-frontale de la scène demande aux musiciens de s’y disposer aux quatre coins, afin d’être vus autant des spectateurs assis dans la nef que de ceux placés dans le chœur de l’abbatiale. Se crée alors comme un petit salon, éclairé par deux rampes de bougies et quelques chandeliers, aidés de quelques discrets projecteurs. Les spectateurs semblent ainsi être témoins de l’intimité d’un salon princier, une nuit au Louvre, tout en appréciant d’être enveloppés des sons parcourant l’architecture de l’abbatiale.
Par sa gestuelle retenue, la mezzo-soprano ne déborde jamais de démonstration, mais elle n’en est pas moins généreuse en émotions. Que ce soit par sa présence scénique, ses aigus rayonnants, ses graves irrésistibles ou ses lignes de chant sublimées, la chanteuse hypnotise regards et oreilles, délectées de ses paroles, aussi touchantes que limpides. Bien que plongés dans un autre univers, les auditeurs ne réussissent pas à retenir leurs applaudissements après « Vos mépris chaque jour » de Michel Lambert (1610-1696), moment pourtant tout à fait hors du temps, tant l’interprétation semble authentique. L'agilité vocale d’Eva Zaïcik offre notamment des arabesques expressives et signifiante, dans « Deh piangete » de Jean-Baptiste Lully (1632-1687). Malgré leur grande beauté, les œuvres de Francesco Cavalli (1602-1676) n'ont pas toute la légèreté et l’extravagance attendues d’airs italiens pour que l'attention soit toujours piquée au vif.
Le concert est évidemment sublimé aussi grâce aux talentueux musiciens des Ombres, dirigés par le traversiste Sylvain Sartre et la violiste Margaux Blanchard, qui offrent quelques très appréciables respirations instrumentales. Parmi ces temps, l'auditoire se souviendra de la Suite en sol majeur de Sainte-Colombe (1640-1700) interprétée par Margaux Blanchard, dont le plaisir d’une pièce offrant sa virtuosité tout en donnant l’air de simplicité s’entend comme se voit le doux sourire sur son visage.
Après un intense et contrasté « Misera, ohimé, ch’ascolto » (Ho misère, qu’entends-je) et un bis enthousiaste, voire un peu espiègle, Les Ombres et Eva Zaïcik ramènent dans le monde réel leurs auditeurs qui, malgré la pluie et la nuit, repartent avec de petites et réconfortantes flammes dans le cœur.