Baroque et métissage avec la captivante et touchante Mariana Flores à Ambronay
Crise sanitaire et culturelle oblige, le Festival d’Ambronay propose cette année une édition « hors cadre », sur trois week-ends et deux semaines, lors de laquelle le Centre culturel et de Rencontre d’Ambronay veut offrir une programmation adaptée et, surtout, accessible à tous. Le système inédit des tarifs à la carte est une des expérimentations mises en place, ou plutôt des explorations, pour reprendre le thème de cette 41ème édition.
Malgré une jauge réduite à moins d’un tiers de sa capacité habituelle, le concert -donné deux fois de suite ce soir- affiche sa ferveur. Le public est impatient de retrouver Leonardo García Alarcón et sa Cappella Mediterranea. Avant d’entrer dans l’abbatiale, les spectateurs sont accueillis par des clameurs, dans les galeries basses du cloître de l’abbatiale. Des comédiens, membres de La Toute Petite Compagnie dirigée par Grégory Truchet, annoncent avec entrain le programme de la soirée, et font preuve également de leurs talents de chanteurs à la demande. Le programme de ce soir est d’ailleurs tout particulier car il a été préparé à partir des votes du public, effectués en ligne quelques semaines en amont du concert. Naît ainsi un récital à la carte en deux parties, toutes deux représentant indéniablement une des facettes de la séduisante soliste de la soirée, la soprano argentine Mariana Flores : le Baroque italien, avec des canto da camera, et l’Amérique du Sud, avec des chansons originaires de ces pays latins. Un programme baroque et métissé, sans aucun doute à l’image du Festival d’Ambronay.
La disposition bi-frontale du public par rapport à la scène -une partie dans le chœur, l’autre dans la nef- n’aide certainement pas l’oreille de l’auditeur à percevoir l’équilibre entre les six instruments de l’ensemble. Le son paraît tourner facilement sous les voûtes. L’équilibre avec la voix n’est pas plus aisé, particulièrement avec les instruments à cordes pincées, dont l’aspect incisif contraste fort avec la rondeur et la délicatesse du timbre chaud de Mariana Flores. Néanmoins, après deux ou trois chants, cette impression s’estompe et l'auditoire peut apprécier tous les talents des artistes à leur juste valeur.
Mariana Flores se montre, à chaque instant, très investie et, souvent, tout simplement captivante. Par ses gestes amples, ses regards intenses, et la complicité qu’elle partage avec les musiciens, elle se fait conteuse et plus encore, comédienne. Il est certes souvent dommage que ses intentions piano, pourtant investies, n’aient pas un peu davantage de présence pour toucher aux sommets expressifs comme ses graves. Elle laisse toutefois de ce concert, entre autres souvenirs intenses, de bravoure et de douceur, l'Ohimè ch’io cado de Claudio Monteverdi (1567-1643) ou le très touchant Lamento della Ninfa du même compositeur, numéro particulièrement applaudi. Les chants plus récents écrits par des compositeurs sud-américains n’ont sans doute pas toute la profondeur de ceux issus du Baroque italien. Ils n’en sont toutefois pas moins séduisants, apportant des couleurs nouvelles qui éveillent différemment l’attention de l’auditeur.
La direction de Leonardo García Alarcón, depuis le clavecin ou l’orgue, est des plus agréables, à peine visible mais assurément présente, investie même, douce et attentive. Le chef argentin ne peut cacher son plaisir avec son ensemble et devant son public auquel il n’hésite pas à dire, en introduction : « Vous être notre respiration ! ». La joie et la complicité se lisent également sur les visages de ses collègues (notamment la sensibilité mélodique de la violiste Margaux Blanchard et les envolées du flûtiste et cornettiste Rodrigo Calveyra).
Annoncé comme étant un concert court d’une heure, cette première soirée est toutefois un tout petit peu plus longue. Ce n’est pas pour déplaire à quiconque, tous étant assurément ravis de profiter d’être ensemble à partager les émotions fortes que nous offre -à nouveau- la musique.