L’Opéra de Vichy fête l’Italie avec un quatuor pétillant
Quinze jours après un concert tango aux accents très hispanisants, l’Opéra
de Vichy fait donc place au pays des maîtres de l’opéra que sont
Verdi, Puccini, Rossini ou encore Vivaldi. Autant de compositeurs à
l’affiche d’un récital qui met également en lumière des
compositeurs moins connus du grand public, mais à l’œuvre fort
intéressante. C’est le cas de Felice Giardini (musicien du XVIIIe),
Vincenzo de
Meglio (actif un siècle plus tard), ou encore Francesco Paolo Tosti,
connu pour avoir été maître de chant de la famille royale anglaise
à la fin du XIXè siècle. Et puisque la langue italienne est reine
en cette soirée, Mozart s’invite aussi aux réjouissances avec des
extraits de ses plus fameux
opéras composés dans la langue de Dante.
Des voix raffinées
Un programme rehaussé par un cadre non moins splendide : celui de l’église de la petite commune bourbonnaise de Châtel-Montagne, pépite de l’art roman perchée sur les hauteurs de l’Allier (le spectacle était aussi programmé la veille sur le parvis de l’Opéra de Vichy et s'est replié dans la salle pour cause d'intempéries). Un édifice remarquable dans lequel le Quatuor Ariane, composé de trois pétillantes chanteuses et d’une pianiste loin de jouer les seconds rôles, s’illustre joliment dans ce répertoire made in Italia. Rompues à bien des genres, notamment à l’opérette et au théâtre musical, les quatre membres du groupe savent trouver toutes leurs aises et s’épanouir avec bonheur dans un répertoire à dimension lyrique, ce qu’elles démontrent ici avec brio, enthousiasme, et un juste sens de la musicalité.
Aussi, après être entrées sur scène simultanément, et en canon, sur les notes du monacal mais non moins emballant air “Viva Tutte Le Vezzose” de Felice Giardini, puis sur celles des Canti Popolari Abruzzesi de Tosti, les trois chanteuses mettent toutes en exergue leurs dispositions vocales. À commencer par la mezzo-soprano Flore Fruchart, qui présente une voix à l’émission franche et limpide, au timbre aussi clair que chatoyant. Que de sensibilité dans le chant, en outre, comme dans cette délicieuse interprétation de l’air de Sesto, “Parto, Parto...” (La Clémence de Titus), ou dans celle tout aussi aboutie du fameux "Vedro con mio diletto" d’Il Giustino de Vivaldi, air dont la jeune artiste, sans jamais jouer de vocalises excessivement périlleuses, sait pleinement lustrer les contours et retranscrire l’émotion attendue.
Musicale et généreuse dans son expression vocale, la soprano Agathe Trébucq l’est tout autant, s’illustrant notamment dans l’incontournable “O mio Babino Caro” de Puccini, ou bien dans L’Invito, bolero extrait des Soirées musicales de Rossini. Dans chacune de ses interventions, l’artiste déploie une voix raffinée et généreuse en projection, aux traits soyeux dans le medium et à l’émission toujours plus éclatante (mais toujours maîtrisée) à mesure que s’approchent les notes aiguës. Enfin, dans ses rôles respectifs, la soprano Morgane Billet brille par l’éclat et l’ardeur de ton timbre à la fois rond et puissant, dont l’emploi plein de technicité donne lieu à d’honorables interprétations du “Vissi d’Arte” de Tosca et “Un bel dì vedremo” de Madame Butterfly.
Un quatuor à la complémentarité bien rodée
Si elles rayonnent individuellement, les trois artistes trouvent aussi un plaisir visible à se partager la vedette, multipliant les interprétations en duos qui donnent lieu à de savoureux moments musicaux. C’est le cas dans ce nocturne à deux voix signé Gaetano Donizetti, L’Alito di bice, porté par les voix aériennes et pleines de fraîcheur de Flore Fruchart et Agathe Trebucq. Dans un extrait de la Regata Veneziana de Rossini, "Voga, o Tonio benedetto", Flore Fruchart et Morgane Billet marient ensuite tant leurs voix que leur sens du mouvement scénique, campant deux maîtres de gondoles qui rament (au sens propre, gestes à l’appui) pour faire avancer leur embarcation d’un rythme le plus vif qui soit. Un duo plein de drôlerie dans lequel les deux artistes affichent une belle complicité, aussi remarquée que celle unissant les deux sopranos du soir dans un duettino signé Giulio Alary, “L’Estasi”. Enfin, à trois, les artistes jouent aussi d’une épatante complémentarité et énergie vocale, qui s’exprime notamment dans une exquise chanson napolitaine signée Vincenzo de Meglio.
Et puisqu’il faut bien être quatre pour former un quatuor, la performance de la pianiste Eleonore Sandron est évidemment à saluer. La jeune instrumentiste est une accompagnatrice irréprochable, capable de se substituer tant aux chœurs qu’à l’orchestre, sachant s’inscrire en soutien des parties de soliste tout en laissant plus qu’entrevoir une technique autant qu’un sens affiné de la musicalité. Le tout dans un concert conclu par deux chœurs en version réduite, d’abord celui des Bohémiennes (La Traviata), puis celui des Sorcières (Macbeth), où les quatre membres du quatuor apparaissent bien moins diablesses que définitivement enchanteresses.