Le Solaris de Fujikura à l’Opéra de Lille
Célèbre roman écrit en 1961 par l'écrivain polonais de science-fiction Stanislas Lem, Solaris nous parle de quête introspective sous fond d'atmosphère angoissante. Après avoir reçu un message inquiétant de son ami scientifique Gibarian, le psychologue Kris Kelvin se rend dans la station orbitale qui étudie une planète entièrement recouverte d'un océan doté d'une intelligence extra-terrestre, avec laquelle personne n'est jamais parvenu à entrer en contact. À son arrivée, Giberian s'est suicidé et alors qu'il commence à être victime d'hallucinations - son ex-femme Harey lui apparaît-, il comprend que les deux derniers habitants de la station sont hantés par des visions matérialisées par l'océan. Un scénario qui, par le biais de cette matière intelligente vivante que représente l'océan, sonde l'âme humaine. Déjà porté à l'écran dans deux versions éponymes, d'abord par le cinéaste russe Andrei Tarkovski en 1972, puis par l'américain Steven Soderbergh en 2002, Solaris a ensuite fait l'objet de trois transpositions à l'opéra. Michael Obst à Munich en 1996, puis Henry Correggia à Turin en 2011, et Detlev Glanert
Dai Fujikura, déjà inspiré par la planète dans Vast Ocean musique concertante composée en 2005, a été appelé par son compatriote chorégraphe et scénographe Saburo Teshigawara pour travailler sur un opéra, son premier. Pas étonnant donc, qu'ils soient instantanément tombés d'accord sur le sujet. Attachés aux réflexions philosophiques et introspectives convoquées dans le roman, Fujikura et Teshigawara poussent l'œuvre à l'abstraction. Les deux soleils de Lem sont éclipsés de la scène au profit d'un éclairage diaphane et c'est l'Ensemble intercontemporain, sous la baguette d'Erik Nielsen, qui vient donner corps à l'océan. Les troubles du docteur Kris Kelvin sont mis en exergue par un doublage hors-champ et diffusé à travers la salle par un dispositif électronique élaboré par l'Ircam. Comme pour restituer l'agitation qui anime cette matière protoplasmique à plusieurs reprises dans le livre, Teshigawara a accordé au geste un rôle primordial, intimement lié à la musique, et offre un livret au rythme soutenu dans lequel chaque passage vient servir l'intrigue.
Solaris de Dai Fujikura mis en scène par Saburo Teshigawara © Vincent Kunes
Le chorégraphe fait partie du quatuor de danseurs qui portent la mise en scène aux côtés de l'Étoile du Ballet de l'Opéra national de Paris, Nicolas Le Riche, et de cinq chanteurs. Il signe également les éclairages et les costumes. Une version épurée qui se charge de renvoyer au spectateur la réflexion de ses propres tourments. Pour projeter l'opéra et son audience dans cette dimension future inquiétante, quoique intemporelle, il faudra compter sur les réalisations 3D de l'artiste visuel allemand Ulf Langheinrich, et les compositions électro-acoustiques de l'Ircam. Cette réalisation résolument contemporaine est à découvrir jusqu'au 28 mars à l'Opéra de Lille et les 24 et 26 avril à l'Opéra de Lausanne.
Pour ceux qui auraient envie de le voir ou le revoir, le cinéma Majestic de Lille diffusera le film de Tarkovski du 25 au 31 mars. À noter que Sabura Teshigawara sera notamment présent à l'issue de la projection du mercredi 25 mars. Pour ceux qui ne pourront y assister ou qui ont envie de mieux en étudier la musique, France Musique diffusera le concert le 11 mai à 20h.
Infos pratiques :
Projection du film de Tarkovski
Du 25 au 31 mars à 19h (rencontre avec Saburo Teshigawara le 25 à l'issue de la projection).
Cinéma Le Majestic, 54 Rue de Béthune, 59800 Lille 03 28 52 40 40. http://www.lemajesticlille.com/
(Crédits photographiques cover : © Vincent Kunes)