Into the little Hill referme le Festival Présences, ce n'est qu'un au revoir George Benjamin
L'auditoire suit cette musique, charmé et fasciné, comme les petits rats puis petits enfants suivent Le Joueur de flûte d'Hamelin, conte immortalisé par les frères Grimm et cet opus. Si le Festival Présences de Radio France, choisissant chaque année un compositeur, sert souvent à remettre à l'affiche des œuvres oubliées, ce n'est pas le cas pour ce conte lyrique en deux parties pour soprano, contralto et ensemble de quinze musiciens (encore remis en scène l'année dernière, à l'Athénée). Ce n'est pas davantage le cas pour les deux autres opéras du duo George Benjamin/Martin Crimp qui poursuivent leur parcours à travers les scènes internationales dans des reprises mais également de nouvelles mises en scène.
La mezzo-soprano Helena Rasker (la Foule, le Narrateur, le Ministre, la Femme du ministre) appuie sa projection notamment sur une assise enrichie de graves poitrinés, mais le corps de la ligne est un peu voilé. Le phrasé est intense, l'articulation haletante, l'anglais fort bien articulé a des accents germaniques, notamment sur les consonnes, renforçant l'autorité du Ministre qu'elle incarne (même si la voix recule un peu lorsque cette figure d'autorité accélère le tempo, pour congédier le flûtiste).
Jennifer France (la Foule, le Narrateur, l'Étranger, l'Enfant du ministre) offre un soprano souplement conduit et vibré, à l'unisson de sa collègue dans des graves fourbis mais également en soliste jusqu'aux suraigus étonnamment blanchis. Les deux voix s'allient en unisson et en opposition : les graves de la mezzo vocalisent en longues et lentes lignes tandis que la soprano prend la voix pépiante du petit enfant qu'elle incarne. À l'image des richesses orchestrales, mariant pizzicati et longues tenues des vents. L'Ensemble intercontemporain dirigé par Pierre Bleuse déploie une richesse de timbres sur chaque note, mariant chaque ligne dans un parcours envoûtant.
George Benjamin triomphe par contumace, absent de ce dernier concert Présences pour cause de succès également : il dirige en même temps son opéra suivant, Written on skin avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France à Vienne -comme deux jours plus tôt à la Philharmonie de Paris.
En première partie de ce concert, avant Into the Little Hill de George Benjamin, le Festival Présences propose deux autres œuvres (en création mondiale) de compositeurs contemporains. Urban song pour grand ensemble, de Bastien David, déploie une tempête de feulements où la fougue des instrumentistes fait claquer les archets avec autant de virulence que les pages de leurs partitions. Rappelant la diversité des jeux contemporains, le hautboïste vient aspirer l'embouchure du bassoniste tandis que celui-ci en joue, puis, après cet effet didgeridoo, retrouve son embouchure propre pour imiter appeau, klaxon, moustique cependant que les cordes astiquent leurs manches et font couiner les côtés de leurs instruments, avant d'imiter la scène sous la douche dans Psychose (Hitchcock-Herrmann). Suit Noli me tangere d'Isabel Mundry pour percussion soliste (ici Samuel Favre en tunique blanche, prêtre d'orient frottant, frappant et expirant sur gong et plaques de cuivres).
Ce concert diffusé le 3 juin prochain sur France Musique, est dédié par ses musiciens à la mémoire de leurs deux collègues récemment décédés : le clarinettiste basse Guy Arnaud (présent durant les deux premières décennies de l'Ensemble intercontemporain) et l'altiste Christophe Desjardins (interprète moderne, d'une ascèse sans frontière).