Rossini à quatre voix au Louvre
En 2018, quatre jeunes artistes lyriques -Mariamielle Lamagat (soprano), Adèle Charvet (mezzo-soprano), Mathys Lagier (ténor) et Edwin Fardini (baryton)-, fondent l’ensemble L’Archipel, à géométrie variable, avec pour originalité le désir commun d’aborder un genre particulier : les quatuors vocaux. Actuellement en résidence à la Fondation Singer-Polignac, l’ensemble s’est déjà produit en scène, notamment au Festival de Pâques de Deauville l’an dernier. Chaque artiste possède déjà un riche parcours, que la mezzo-soprano Adèle Charvet concrétise activement sur les scènes lyriques. Il sera possible de l’entendre le mois prochain à l’Opéra de Bordeaux dans le rôle de Stephano du Roméo et Juliette de Charles Gounod, avant la Comtesse pour Rigoletto de Verdi à Bastille. De même, Edwin Fardini débute actuellement à La Scala de Milan dans le rôle du Comte Paris de Roméo et Juliette, avant de rejoindre cet été la nouvelle production de Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc au Festival de Glyndebourne. De riches promesses donc pour ces artistes qui ont décidé de dédier en principal le présent concert aux Péchés de Vieillesse et aux Soirées Musicales de Rossini. Ce dernier, après l’échec relatif de son ultime opéra Guillaume Tell, choisit à l’âge de 38 ans de prendre sa retraite. Dés lors, il se consacre à la mélodie pour son propre plaisir et celui de ses amis réunis autour d’un excellent repas dans sa maison de Passy. Cent-cinquante pièces seront ainsi composées entre 1857 et 1868, réunies plus tard sous le nom de Péchés de vieillesse. L’esprit, la fantaisie, le fantasque ou la parodie règnent sur toutes les pièces sélectionnées par L’Archipel, de l’allègre La Passeggiata (La Promenade) au fameux Il Carnevale di Venezia, un vrai petit opéra en soit.
Qu’ils se produisent tous les quatre ensembles, en duo ou séparément, les quatre complices ne s’éloignent jamais des fondamentaux qu’ils se sont fixés. Dans La Promessa, extrait des Soirées Musicales, Mariamielle Lamagat fait valoir beaucoup d’esprit et de facilité. Cette jolie voix de soprano lyrique particulièrement souple et au soutien sans faille, au timbre fruité, au léger vibrato qui se développe dans l’aigu, enchante par l’harmonie qui se dégage de son chant et par sa musicalité affirmée. À ses côtés, Adèle Charvet laisse s’épanouir la chaleur et la profondeur de son large mezzo-soprano tant dans les ensembles que dans les duos avec la soprano comme La Pesca, ravissant nocturne ou l’incontournable et vivifiant Duo des Chats dans lequel les deux partenaires s’en donnent à cœur joie.
Mathys Lagier possède une voix de ténor de caractère, franche, moins légère qu’il n’y parait. La souplesse, la diversité des couleurs restent encore à peaufiner pour pleinement séduire dans ce répertoire. Il paraît au mieux dans la chanson de cabaret, faussement larmoyante, Un Sou en duo avec Edwin Fardini. Ce dernier livre une voix de baryton à la fois assez aiguë et au timbre mordoré, qui donne du caractère et de l’entregent à son interprétation du Lazzarone, hommage savoureux à la ville de Naples et aux macaronis chers au compositeur, Rossini oblige !
Au piano, Ismaël Margain, ami fidèle de l’ensemble L’Archipel, démontre une sensibilité remarquée du toucher, mais aussi une agilité et un sens poétique qui accompagnent sans jamais faillir les chanteurs. Au bilan, un instant musical qui consacre le sourire et la saveur à la grande joie d’un public venu très nombreux. Parmi les prochains concerts du cycle Voyage en Italie, s'annonce particulièrement le récital consacré au Novencento, d’Ottorino Respighi à Alfredo Casella ou Alfredo Catalani, mais aussi Luigi Dallapiccola et Nino Rota, mercredi 18 mars à 20h avec le Secession Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs et la soprano remarquée sur nos pages, Marie-Laure Garnier.