Vivaldi Appassionato avec Lea Desandre et l’Ensemble Jupiter à la Salle Gaveau
À la Salle Gaveau, le public est venu nombreux pour
écouter ces jeunes révélations liées (comme le rappelle Erik
Orsenna au début du concert, invité d’honneur de cette soirée
aux côtés avec William Christie) par une grande amitié. Lea Desandre, jeune mezzo Révélation lyrique aux Victoires de la musique en 2017 rompue au répertoire baroque et appréciée pour la
délicatesse de son timbre, Bruno Philippe, Révélation instrumentale aux Victoires de la musique 2018, mais aussi le
trop peu connu en France Peter Whelan au basson, placés aux côtés
du jeune Ensemble Jupiter sous la direction de Thomas Dunford. Des
étoiles montantes de la scène musicale française, exclusivement
dévouées ce soir au maître italien, dans un programme appassionato
illustrant les facettes musicales des partitions du maître.
Des airs d’Il Giustino ("Vedro
con mio diletto"), de Juditha triumphans ("Armatae face et anguibus"), du Nisi Dominus ("Cum dederit") ou d’Ottone
in Villa
("Gelosia, tu già rendi l'alma mia") en alternance avec
trois Concerti mettant à l’honneur l’archiluth, le basson et le
violoncelle.
Ce qui interpelle dès le "Vedro con mio diletto" introductif, outre un continuo aux pulsations régulières bien respirées, c’est la délicatesse de voix que pose Lea Desandre. Souple et légère, précise dans l’attaque mais gardant un arrondi de son par un chant non forcé, elle déploie un registre mezzo avec des aigus sopranisants et soyeux. À ce titre, le léger "Veni, veni me sequere fida", par le trait galant de la voix, trouve un répondant harmonieux dans les trilles du violon. Le programme invitant à une peinture musicale de toutes les passions humaines, la voix se confronte également à l’emportement le plus vif. Dans "Armatae face et anguibus", de même que dans l’"Agitata da due venti", elle brave les vocalises les plus rapides avec brio et gazouillis dans les aigus, tenant fermement des deux mains le pupitre face à elle. Si elle fait preuve d’une virtuosité accomplie, la voix reste cependant contenue en puissance et paraît parfois ténue aux côtés d’un effectif bouillonnant d’énergie. Le corsé des médiums manque quelque peu, ne laissant que partiellement entendre la colère des Furies. L’acoustique des lieux a également tendance à tasser la projection de la voix, au profit du clavecin de Jean Rondeau dont le son perlé sonne allègre.
L’Ensemble Jupiter montre un engagement scénique et musical vivifiant. À la direction, Thomas Dunford tient devant lui un effectif coordonné. Les yeux et les oreilles sont constamment alertes au jeu des autres musiciens, offrant un modèle d’écoute réciproque. Les prestations de Bruno Philippe et de Peter Whelan font chacune sonner avec lyrisme et panache leur concerto respectif. L’enthousiasme dans le jeu est communicatif, suscitant des applaudissements parfois spontanés entre les différents mouvements.
Sous les acclamations chaleureuses d’un public venu nombreux ce soir, les artistes réservent en bis le tube "Forêt paisibles" de Rameau extrait des Indes Galantes aux côtés de William Christie, qui rejoint à l’orgue le jeune ensemble. Les interprètes redoublent d’énergie, avant d’offrir une « petite chanson de fin de soirée » composée par Thomas Dunford en langue anglaise où les instruments baroques entonnent sonorités traditionnelles et folks jusqu’au groove des pizzicati de la contrebasse. Un bis rafraîchissant clôturant un concert de haute volée !