Voyages intérieurs avec Marie-Nicole Lemieux, Goethe et Baudelaire à La Monnaie de Bruxelles
Accompagnée au piano par Daniel Blumenthal, c’est entière et à fleur de peau que se livre la québécoise contre-alto à l'immense ambitus. Le programme se construit comme un voyage dépeint par deux poètes phares du Romantisme : Goethe et Baudelaire, mis en musique par les compositeurs allemands Schumann, Schubert, Beethoven, Mendelssohn et Wolf, mais aussi par les français Fauré, Debussy, Sévérac, Duparc, Chausson et Charpentier.
Guidé par ses coups de cœur personnels, le livret du récital pensé par Marie-Nicole Lemieux témoigne d’une cohérence similaire à un portrait chinois. On devine certains traits intimes de la chanteuse. Morceaux choisis mais aussi morceaux rares, le voyage allemand de la première partie du récital devient la quête d’un lieu idyllique lancée par Goethe, qui sera repris en deuxième partie dans le Paradis perdu Baudelairien. L’auditoire n’a donc d’autre choix que de lâcher prise et partir (même si c'est mourir un peu).
"Un opéra, pour moi, c’est comme lire un long roman avec plein de péripéties. À côté de ça, les Lieder sont des histoires courtes, ou plutôt des micro-histoires. Et avec ce programme, nous ne sommes pas loin du récital poétique. » Marie-Nicole Lemieux
Voyage intime, inflexion et indolence, le Lied se vit souvent comme un moment précieux, un temps suspendu que peu d’interprètes réussissent à soutenir. Marie-Nicole Lemieux offre une performance à l’image d’un « less is more » (le moins fait le plus), où la richesse réside dans la chaleur vocale, veloutée, déployée d’un tragique percutant. Derrière la simplicité scénique s’offre un chromatisme (des sons et des couleurs), un retour à l’essentiel qui permet aux chanteurs une liberté d’interprétation, loin des desiderata de mise en scène d’opéra.
Le récital est soutenu au clavier par l'ami de toujours, Daniel Blumenthal, accompagnateur de la chanteuse depuis le concours de la Reine Elisabeth. Les notes piquées et vives viennent englober et nourrir la voix rassurante de la chanteuse, qui joue bien de la présence et de l’absence, des moments lyriques et des silences, comme des emportées et des litotes du texte, faisant triompher les plus simples notes.