Messe baroque pédagogique avec Hervé Niquet et le Conservatoire national aux Invalides
La Saison artistique du Musée de l’Armée aux Invalides poursuit sa tradition accueillante pour les jeunes musiciens, notamment les ensembles universitaires. Le plateau est cette fois réservé aux étudiants du département de musique ancienne et chanteurs du Conservatoire National Supérieur de Paris, réunis sous la direction d’Hervé Niquet (qui fait coexister sa mission de chef avec sa vocation de pédagogue). Annoncé comme une fin de session de travail, ce concert représente la reconstitution musicale d’un office religieux baroque, avec une messe dite « pédagogique » d’Henri Frémart, dont les parties sont entrecoupées par des pièces sacrées de Marc-Antoine Charpentier et autres compositeurs du XVIIe siècle (Le Prince, Bouteiller, Lorenzani). En tant que le Directeur de la Maîtrise de Notre-Dame, Frémart écrivit de nombreuses messes et compositions religieuses adaptées aux disciples de son école, privilégiant une écriture qui double les instruments et les voix. Cette construction très utile pour des étudiants qui peuvent ainsi soutenir mutuellement leur justesse donne la priorité à la sobriété polyphonique d’un style plutôt austère, qui laisse peu de place aux expressions solistes ou harmonies dramatiques. Si la messe choisie Eripe me, Domine (« Arrache-moi, Seigneur [des mains ennemies] ») s’inscrit dans ce registre, le programme est complémenté par des morceaux qui enrichissent l’office et le relief musical. L'agencement sonore est alors plus libre et expressif.
Les six solistes vocaux se présentent avant tout comme choristes, parfois rejoints par les musiciens en une procession rythmée. Les voix supérieures de la distribution se démarquent dans les jeux contrapuntiques, tandis que les altos parviennent par moments à se faire entendre au sein des échanges mélodiques avec les sopranes. Le baryton Matthieu Walendzik reste recouvert dans le son choral, mais se distingue par une grande voix sombre dans sa prestation solo (Graduel pour basse H136 de Charpentier). Dans son chant a cappella, il manifeste à la fois souplesse et stabilité, légèreté aux seuils de la tessiture (l’intonation vacille dans les profondeurs) sans que la ligne ne disparaisse. La chaleur de son registre élevé s’appuie sur l’élan de ses collègues ténors Lancelot Lamotte (taille) au son arrondi par ses aigus et médiums solides, et Paul Figuier (haute-contre) qui exploite à foison sa voix de tête et veille à une prononciation savante.
Parmi le chant féminin, c’est Margaux Poguet (dessus/soprano) qui émerge avec un instrument très sonore, ouvertement projeté et qui remplit les voûtes de la Cathédrale Saint-Louis des Invalides. Elle fait émaner une tendresse particulière et une pureté cristalline dans le Domine Salvum de Charpentier, la justesse restant immuable dans les cadences trillées du Te Deum à la fin du concert.
La prestation des solistes instrumentaux est souvent coloriée par l'appui des instruments, Hervé Niquet maintenant un juste équilibre entre toutes lignes de la partition. La section de basse continue est ferme dans l’accompagnement et expressive dans les mouvements chambristes (surtout l’orgue d'Eliès Tataruch ou la section des violes de gambe). L’Offertoire instrumental de Pierre Bouteiller fait ressortir la douceur des deux flûtes, alors que la Litanie de Lorenzani montre un élégant crescendo orchestral qui couronne la dramaturgie de l’œuvre.
La soirée se termine avec l'Agnus dei de la Messe de Frémart en bis, où la mélodie passe tendrement d’une voix à l’autre et finit par une illumination sonore, qui retrouve en applaudissements ses échos auprès du public dans la cathédrale.