Didon et Énée ensorcellent le Festival Concerts d'Automne au Grand Théâtre de Tours
L'Ensemble Consonance, dirigé par François Bazola, porte cette œuvre avec douceur et une grande qualité instrumentale : les timbres et couleurs mêlent les traditions anglaise (du compositeur), française et italienne (qui l'ont inspiré). Les instruments sont toutefois au service d'une très forte cantabilità (caractère chantant d’une composition musicale). Cette prédilection trahit la qualité première de chanteur du chef, qui se transmet d'ailleurs de père en fils (le fils de François, Étienne Bazola est une assise vocale incontournable de nombreuses productions baroques).
La vocalité et les couleurs soutiennent le drame, entre les instruments et les chanteurs, entre les personnages principaux, comme avec les sorcières. À l'image du rôle-titre féminin dont la soprano Armelle Marq tisse le parcours psychologique et vocal riche en nuances. Le malheur de la Reine Carthaginoise s'appuie sur son assise profonde et sa tonalité dramatique, ses élans passionnés sur d'agiles phrasés, clarifiés avec luisant. David Witczak installe Énée avec une très imposante assise vocale. Alors que ce rôle sied à un baryton tirant vers le ténor allégé, il creuse ici une basse ample. Les phrasés n'en sont pas moins ciselés, les notes (rythme et justesse) impeccables : avec le détachement du héros devenu bourreau d'un cœur, qu'il fuit pour rejoindre son destin. La ligne traduit ce dynamisme, en place mais allant.
Betsabée Haas est une Belinda raffinée et applaudie. La soprano donne corps et personnalité, cérémonielle et chaleureuse pour soutenir l'héroïne et compléter le spectre de ses couleurs musicales. Le contre-ténor Léopold Gilloots-Laforge, pleinement dans son rôle de Sorceresse, offre une voix doucement et subtilement rembrunie.
Les autres solistes vocaux savent affronter leurs rôles avec une grande dignité et conscience de la musique de Purcell. La voix claire et aérienne d’Alice Glaie (deuxième femme), la ductile Amandine Trenc (première sorcière) se joint au timbre maléfique de Capucine Keller (deuxième sorcière). Le baryton Matthieu le Levreur conduit sa voix généreuse pour l’Esprit. Enfin, François-Olivier Jean, Maria Perrin, Brice Claviez-Homberg, Fabrice Foison, Romain Bazola soutiennent les parties chorales avec des couleurs homogènes. Le Prologue est quant à lui interprété avec charisme et élégance par le comédien Didier Girauldon qui dirige aussi une mise en espace brillante et pleine de nuances.
Le public en salle ne retient nullement ses acclamations, avant même la fin du silence ultime, enchantement magique de cette musique.