Lucile Richardot sur les pas d’Anne de la Barre au Château de Versailles
La saison 2019-2020 de Château de Versailles Spectacles célèbre les 250 ans de l’Opéra Royal (ainsi que les 10 ans de sa réouverture et les 350 ans de l'Académie Royale de musique, parente de l'Opéra de Paris). Des anniversaires notamment fêtés en mettant à l'honneur des perles musicales rares et historiques. Figure emblématique pour l’histoire de la musique française et pour celle du féminisme, Anne de la Barre fut la première femme à recevoir de sa majesté le brevet de musicienne de la Chambre du roi. Son répertoire éclectique reprend vie ce soir grâce à la recherche méticuleuse menée par Marco Horvat et l’Ensemble Faenza. Répertoire qui touche des musiques françaises et italiennes parmi les plus belles du XVIIe siècle, avec des compositeurs tels que Pierre et Joseph Chabanceau de la Barre, Michel Lambert, Luigi Rossi, Constantijn Huygens, Alessandro Stradella, Charles Dassoucy et Jean-Baptiste Lully.
Avec la très grande et large palette vocale de son ambitus et de ses émotions, Lucile Richardot parcourt l'immense spectre allant des cantates italiennes jusqu'aux leçons de ténèbres ainsi qu'aux Ballets de cour. La voix y déploie sa variété et sa pureté, sans besoin de vibrato pour sa projection puissante. Élégants, les piani sont intenses et même si l'agilité peut sembler moins aisée ou enflammée dans certaines arie di furore, la qualité d'articulation en français, italien et latin soutient ses changements émotifs de rôles. En effet, l'interprète s'amuse et dialogue aussi bien avec les styles, avec elle-même, qu'avec le comédien Jean-Luc Debattice. Non sans brio, celui-ci trousse le portrait littéraire d'une époque, avec les importantes plumes contemporaines d'Anne de la Barre dont il récite, joue, anime les textes.
Ce voyage dans le temps et dans l’espace est parachevé avec la touche originale de Marco Horvat et de l’Ensemble Faenza. Chanteurs-instrumentistes capables de s’accompagner (comme c'était le cas à l’époque baroque), ils offrent à la chanteuse la sûreté d’un soutien instrumental et d'une synergie, toujours coordonnés en rythmes, nuances et intentions, brossant les différents styles et caractères dans un constant aller-retour transalpin.
Le public remercie à plusieurs reprises les artisans de cette traversée musicale que Louis XIV n'aurait probablement pas reniée lui-même.