Les Indes Galantes de braise à Évian
C’est à une version partielle des Indes Galantes de Rameau (réduites à 2h30 de musique environ) que le public est convié. En effet, plusieurs des artistes figurant sur l’affiche parisienne se trouvaient retenus par d’autres engagements : Jodie Devos, Florian Sempey (qui fait ses débuts à la Philharmonie de Berlin), Stanislas de Barbeyrac (qui est déjà dans le Freischütz au Théâtre des Champs-Élysées - notre compte-rendu). Pour autant, cette version de concert enflamme le public, par sa cohésion d’équipe et un engagement de la part de tous les artistes.
La musique de Rameau, dans le cadre privilégié de La Grange au Lac avec son acoustique d'exception, rayonne ici de mille feux. Point besoin de forcer la voix ou de grossir artificiellement le trait. De fait, un équilibre s’instaure tant au niveau musical que dans l’incarnation même des personnages. Sabine Devieilhe fait rayonner l’éclat de la ligne de chant et ses extensions enchanteresses vers l’aigu. L’air de Phani (deuxième entrée, Les Incas au Pérou) interprété avec une délicate expressivité soulève le public.
Julie Fuchs n'est pas moins appréciée, tout particulièrement en Fatime (troisième entrée, Les Fleurs, fête persane). Son air chanté au milieu des bouleaux qui dominent la scène (bien différents du quartier rouge dans la mise en scène à Bastille) permet d’apprécier sa voix de soprano très égale, suffisamment large et d’une rafraîchissante souplesse.
Aux rôles tenus à l’Opéra Bastille, Edwin Crossley-Mercer ajoute celui d’Adario des Sauvages, donnant une fière allure, une projection ronde et chaude aux morceaux les plus connus de la partition, notamment le duo Forêts paisibles. Ne tenant pas en place, virevoltant, Mathias Vidal (Valère, Tacmas) qui partition en mains s’empare pour partie des rôles tenus à Paris par Stanislas de Barbeyrac (Don Carlos et Damon) déploie une voix de ténor qui semble par instant manquer d’égalité et de brillant, mais que l’artiste compense par une intelligence musicale toujours en situation. Annoncé souffrant, Alexandre Duhamel, au timbre un peu plus mat qu’à l’habitude il est vrai, déploie un matériau vocal d’importance, notamment dans le rôle d’Huascar.
Dans un cadre bien plus porteur vocalement qu’à l’Opéra Bastille, le Chœur de chambre de Namur reprend toute sa dimension. L’harmonie définit une prestation où la qualité des sonorités ne cessent de charmer l’oreille. À la tête de son ensemble la Cappella Mediterranea, Leonardo Garcia Alarcon déploie une énergie presque contagieuse, comme emplie du bonheur de faire (enfin) pleinement sonner l’orchestre dans toutes ses couleurs et ses composantes.
Cette soirée triomphale ne pouvait se conclure que sur la reprise, par la salle embrasée et l’ensemble des interprètes, de la danse du grand calumet de la paix.