Rameau et Gluck au son de la Cappella Mediterranea à l’Auditorium du Musée d’Orsay
En ce début de saison,
le Musée d’Orsay s’accorde avec l’Opéra de Paris pour rendre
hommage à la musique qui a vu naître l’institution lyrique, il y
a 350 ans. Inscrite dans une suite de concerts tournée vers le XVIIIè
siècle, la soirée partagée entre des airs d’opéra
de Rameau, d’André Cardinal Destouches mais aussi de Gluck se fait
également l’écho de l’exposition Degas à l’opéra affichée dans le musée.
Tel un seul opéra, les airs s’enchaînent avec naturel et rapidité, tout en reflétant clairement la césure qui marque l’art lyrique du XVIIIè avec la réforme de Gluck. Une nette épuration de la ligne vocale émondée de ses ornements est en effet perceptible dans la deuxième partie du concert majoritairement tournée vers les airs de ce compositeur dramaturge. Avec précision et vivacité, le chef Leonardo Garcia Alarcon commente ces changements historiques et musicaux au fil du concert, donnant ainsi à entendre mais aussi à comprendre.
Rompus au répertoire, Cyril Auvity et Jodie Devos interprètent avec une égale rigueur et inventivité les diverses facettes du programme. Le ténor installe d’emblée sa présence scénique : surgissant du milieu du public, le pas léger et le timbre clair, il offre une interprétation enlevée et bordée de silences habités dans l’air « Que ce séjour est agréable » tiré de Platée. Dans les airs pathétiques, sa voix frôle le souffle et s’orne de la douceur du coton. Sans excès ni démesure, les traits de son visage se plissent et prolongent les fines tenues de sa ligne vocale. Avec mesure toujours, sa voix se colore de passions contrastées, jusqu’au mezzo forte et mezza voce.
Pleine d’assurance, la voix de Jodie Devos frappe de plein fouet les oreilles. Tranchante comme une lame dans les aigus, elle sait aussi s’épaissir d’un doux verni dans les airs de lamentation. Toute sourire et vive entre les airs, elle prend des airs d’étourdie dans l’air de la Folie de Platée. Elle va jusqu’à montrer les dents dans les vocalises serrées et légères. Loin de la virtuosité à l’italienne, la soprano soigne tout autant la sobre ligne gluckienne, s’appuyant sur chaque note et faisant ainsi résonner les dissonances. Dans l’air des Paladins, les deux chanteurs forment un duo « pour voltiger » explosif et virevoltant.
L'Orchestre de la Cappella Mediterranea, sorti de la fosse à Bastille (notre compte-rendu), excelle ici de vivacité et d’exactitude dans son interprétation de la Danse des Spectres et des Furies de Gluck. Assis à son clavecin, le chef argentin manie jeu et direction, se levant de son siège à chaque accent rythmique, offrant un véritable spectacle de minutie.
Sous les bravi et les longs applaudissements du public, l’ensemble et les chanteurs offrent leurs bis avec une égale énergie.