L’Art européen du contre-ténor avec Paulin Bündgen à Ambronay
Le récital matinal de l’avant-dernier dimanche de la 40ème édition du Festival d’Ambronay est dédié au répertoire du contre-ténor, une voix opératique de plus en plus en vogue, familiarisée auprès du grand public grâce aux succès de Jaroussky, Fagioli, Cenčić et d’autres. La tâche de représenter son diapason est cette fois confiée à Paulin Bündgen, avec un programme-panorama européen de mélodies écrites pour ce registre vocal durant le XVIIe siècle. L’artiste français, spécialiste du répertoire méconnu et qui vient de publier en disque la redécouverte de la Salve Regina de Natale Monferrato avec son Ensemble Céladon, choisit des pépites plus ou moins connues de la période concernée et fait une sélection des morceaux de cinq pays ayant une tradition musicale baroque : Angleterre, France, Allemagne, Espagne et Italie. Avant chaque traversée vers ces horizons géographiques et musicaux, le chanteur devient le médiateur et y introduit l’auditeur par une petite explication du contexte, qui fait sentir et ouïr le terroir.
En compagnie de Caroline Huynh Van Xuan (de Céladon) au clavecin, soliste, co-soliste et accompagnatrice, Paulin Bündgen ouvre cette matinée en musique avec Purcell dans l’intimisme de la salle Monteverdi, pourtant insuffisamment résonnante pour faire ressortir toute la beauté et richesse de la matière sonore et des œuvres interprétées. Sa voix rayonnante et veloutée y retrouve toutefois ses échos qui se matérialisent dans les aigus étincelants, tel le cristal. Ce tour européen est l’occasion pour le soliste d’afficher son âme de polyglotte : exceptés les quelques mots brumeux de son italien, la prononciation des textes s’avère bien respectée et travaillée, les consonnes étant méticuleusement accentuées et roulées. Cependant, c’est dans sa langue maternelle (le français) qu’il se sent le plus à l’aise, les notes et paroles étant moulées avec naturel (l’air Vos mépris, chaque jour de Michel Lambert y met en valeur sa tessiture médiane). Au fil du récital, il exploite les recoins de son large ambitus, dont la descente fréquente vers les régions basses qui n’en sont pas moins stables, mais quelque peu raides. De ce fait, quelques troubles occasionnels de justesse qui se glissent dans les passages mélodiques du haut vers le bas, fragilisent légèrement cette stabilité. L’air espagnol (Si quieres dar Marica de José Marin) met en avant l’élasticité de son instrument, mais il se prive tout de même de nuances et reste sur un seul plan expressif (peut-être à cause d'une part d'uniformité dynamique du clavecin). Le programme officiel se termine avec l’excursion vers la terre italienne, couronnée par la tendre mélodie du doux tourment montéverdien (Si dolce è’l tormento) et l’habileté phraséologique du contre-ténor.
Caroline Huynh Van Xuan s’appuie sur ce même fil rouge dans son phrasé développé et reste attentive dans l’accompagnement, maniant habilement les changements de tempi et de caractères. Dans le fameux Ground de John Eccles, elle fait doucement et graduellement accélérer la vitesse pour bâtir la tension avec beaucoup d’aisance et de maîtrise technique. Dans la Passacaille plaintive de Johann Kaspar Kerll, elle transmet avec sa légèreté la complexité d’écriture polyphonique, faisant nettement entendre les multiples couches de sa dense texture et les ornements de la mélodie baroque. Si elle s’y heurte à quelques incertitudes, la confiance est regagnée peu après et confirmée avec la Passacaille italienne de Luigi Rossi.
L’auditoire applaudit chaleureusement les artistes, qui récompensent le public avec deux airs en bis, de Frescobaldi et Purcell.