Norma élégiaque à Toulouse avec sa seconde distribution
Retrouvez en préambule notre compte-rendu de la première représentation de cette mise en scène
Victime d’un douloureux problème de dos survenu lors de son habillage précédant la représentation, Klara Kolonits, après l’intervention des médecins, apparaît en scène un peu raide et aimablement aidée par ses partenaires dans ses déplacements. Très heureusement, la voix en elle-même n'est en rien affectée, bien au contraire. Klara Kolonits se définit elle-même et très justement comme soprano colorature dramatique. Elle poursuit une très fructueuse carrière dans son pays d’origine, la Hongrie, occupant une place centrale au sein de l’Opéra d’Etat Hongrois de Budapest. Cette assiduité sans faille fut récompensée l’an dernier par le titre envié de Kammersängerin. Parmi ses rôles principaux, figurent Lucia, Violetta, mais aussi la Reine de la Nuit, Fiordiligi ou encore la redoutable Odabella dans Attila de Verdi. Elle a récemment ajouté Norma à son répertoire à Budapest dans une mise en scène de Nadine Duffaut. Sans posséder l’extrême amplitude vocale de Marina Rebeka (elles partagent le rôle dans cette production) et cette même largeur de voix ou son intensité dramatique, Klara Kolonits déploie d’autres éminentes qualités fondées sur une musicalité exemplaire. Sa voix d’essence lyrique se heurte, il est vrai, aux sollicitations des parties les plus graves de la partition, l’obligeant quelquefois à accentuer un peu exagérément cette zone délicate pour elle, que ce soit dans les mesures précédant le Casta Diva ou lors du duo au deuxième acte, l’opposant à Pollione. Le meilleur est pourtant à rechercher déjà sur son interprétation bouleversante du Casta Diva qui renoue avec une authentique prière ou les duos idéaux avec Adalgisa. Entre souplesse, virtuosité, exposition de clairs obscurs, la voix de la cantatrice ne cesse de séduire tout au long de la représentation exposant une technique belcantiste affirmée. L’aigu surtout apparaît solaire, d’une rare beauté expressive. Elle sait en vraie colorature dramatique introduire de brillantes variations dans son chant (premier duo avec Adalgisa), couronnant la fin du premier acte d’un spectaculaire suraigu. La comédienne, bien que gênée dans ses déplacements, impose une Norma à la fois combattante et profondément humaine, tout spécialement lors de la vision de ses enfants, ici suggérés par la vidéo.
À ses côtés, Karine Deshayes, plus encore que le soir de la première, s’empare du rôle d’Adalgisa avec une acuité accentuée et une même réussite vocale, parfaitement en phase avec sa partenaire. De même, le ténor Airam Hernandez semble libérer un peu plus son matériau vocal et ses harmoniques, ajoutant à sa prestation en Pollione une maturité rapidement acquise et un rayonnement constant qui faisait encore un peu défaut lors de la première. En Oroveso, Julien Véronèse montre de belles qualités sans toutefois posséder encore à ce jour toute la plénitude et l’autorité indispensables à ce grand rôle de basse chantante. Andreea Soare campe une impeccable Clotilde et Francois Almuzara apparaît bien plus à l’aise en Flavio.
L’approche scénique d’Anne Delbée est défendue par un investissement d'une qualité constante, estompant déjà au profit du propos et de son esthétique, l'excitation permanente qui marquait la première. De fait, Giampaolo Bisanti, sans abandonner son investissement à la tête du toujours remarqué Orchestre national du Capitole, contient mieux le volume général de l’orchestre.
Comme la veille, le public toulousain reçoit avec enthousiasme cette production de Norma, saluant tout particulièrement les prestations souveraines des deux héroïnes, faisant cas des deux K : Klara Kolonits et Karine Deshayes.
Julien Véronèse & Klara Kolonits - Norma par Anne Delbée (© Cosimo Mirco Magliocca)