Les Métaboles aux anges à Royaumont
À la thématique de ce premier week-end du Festival de Royaumont (« En vol ») répond « The angels » avec Les Métaboles et Léo Warynski, auréolés du Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral en 2018. Avec ce programme, l’ensemble propose un hommage à la tradition chorale anglaise autour de cinq compositeurs brossant autant de siècles : William Byrd, G. P. da Palestrina, Henry Purcell, Jonathan Harvey et Jack Sheen (ce dernier né en 1993 ayant composé pour l’occasion une création intitulée « Fitzgerald pirouette »). Et de révéler les réseaux d’influence, la filiation entre les différentes pages portées sur la scène du réfectoire des moines en privilégiant de manière judicieuse les aller-retour entre les compositeurs plutôt qu’un déroulé strictement chronologique. Les « Remember » introductifs des pièces de Purcell (« Remember not, Lord, our offences ») et de Harvey (« Remember, O Lord ») aux tonalités mineures proches laissent ainsi se déployer progressivement la richesse harmonique du langage musical de ces compositeurs. Une attention particulière reste portée à l’œuvre de Harvey (le choral The angels étant à l’origine du programme) dont le lien intime avec Royaumont comme le décès relativement récent font de ce concert un hommage implicite.
Les seize voix des Métaboles se montrent particulièrement en forme. Outre une redoutable justesse de ton dans l’interprétation, elles proposent un son qui a pleinement mûri au fil du temps, choyé in loco par l’acoustique indulgente du réfectoire où la résonance est privilégiée sans brouiller le discours. Le quatuor vocal introductif de l’Ave verum de Byrd (soprano-alto-ténor-basse) donne la tonalité. Depuis les hauteurs de la chaire, la sobre expressivité trouve une pleine incarnation à travers les postures de statues des chanteurs jointes à des attaques millimétrées où la verticalité (sons simultanés, s'écrivant sur une même verticale dans une partition) est imperturbable. L’effectif au complet, les différentes voix en osmose ne laissent rien au hasard, disciplinées et diapason en main. Forts de leur préparation, l’interprétation du répertoire semble sans effort malgré les dissonances rugueuses et parfois difficiles, en particulier dans les pièces de Jonathan Harvey (« Come, Holy Ghost »), sublimées par ce souci du détail relevant l’interprétation entière. La création de Jack Sheen (« Fitzgerald pirouette »), se bornant à l’esquisse, aux lignes ébauchées et à des jeux de dissonances très attendus, parvient cependant à le déstabiliser quelque peu et à lui faire perdre cette assurance inébranlable jusqu’alors montrée.
À deux chœurs, le concert prend une autre dimension. Les Métaboles quittent leur unité, et s’élancent dans une recherche aboutie de spatialisation du son et du travail des textures. Si le Stabat Mater de Palestrina est bien servi sans toutefois marquer, le choral « I love the Lord » au leitmotiv entêtant, comme « The angels » ravissent l'auditoire. La rondeur englobante des nappes de l’un, parfois même entonnées à tue-tête en des balancements, tapisse l’espace d’une toile de fond harmonique sur laquelle viennent se placer les lignes de l’autre. Dans les unissons dépouillés mais consistants tout à la fois, et les moments de monodie, les tenues respectives des différentes voix restent sans faille.
Suite aux applaudissements, Léo Warynski rappelle toute la joie ressentie par l’Ensemble pour cette résidence au sein de l’abbaye, enthousiasme dont est assurément pétri ce concert qui augure d’autres belles prestations à venir au sein de ce lieu privilégié pour la musique.