Voix lumières à Vézelay
Pour ouvrir et fêter dignement leur vingtième anniversaire, les Rencontres Musicales de Vézelay engagent un "enfant du pays", Lionel Meunier qui, à la tête de son Ensemble Vox Luminis centre un concert sur Georg Friedrich Haendel (1685-1759), avec deux Motets "de jeunesse", Dixit Dominus et Nisi Dominus (1707), et l’Ode à Sainte Cécile datant de 1739.
Les interprètes composent un office musical, méditation charmante (et parfois même brillante) dans les inspirations italiennes et spirituelles du jeune Haendel (qui cherche alors -avec succès- à convaincre les commanditaires religieux romains).
Le Nisi Dominus réaffirme à la fois la proximité de l'homme chrétien vers le Saint-Père et l'homogénéité autonome de l'exécution musicale : l'orchestre et le chœur ne sont pas "dirigés" pendant la performance. Le chef ayant assumé en amont tout le travail d’interprétation, se fond alors dans le pupitre des basses du chœur. Cela rend aux musiciens leur autonomie et la responsabilité du propos, à la musique une directivité et une vie intérieure palpitante et vibrante. Le chœur de solistes est ainsi très mobile, à géométrie variable selon les numéros, les divers solistes en émergeant pour de petites interventions. Suffisantes en tous les cas pour admirer le contre-ténor Alexander Chance, sa voix douce, veloutée mais sonore, qui suspend le temps dans le Cum dederit, tout comme Sebastian Myrus, à la voix de basse claire et déliée pour porter le Beatus vir. Dans le Gloria final, la pâte sonore de l’orchestre et du chœur, les timbres des pupitres rayonnant de lumière expliquent plus que tout en quoi Vox Luminis mérite son nom. D'autant que ces qualités se maintiennent et croissent en dimensions (volume, richesse et sémantique religieuse) sur le Dixit Dominus (virtuose dans l'articulation et la précision des attaques, du triple piano au triple forte dans "l'horreur des têtes coupées" par un Dieu vengeur) et en acmé sur l'œuvre majeure de la soirée, L'Ode for St. Cecilia's Day (entre la cantate et l'oratorio), composée en 1739 sur un poème de John Dryden (1687) évoquant les pouvoirs de la musique et son rôle dans la conduite du monde. L'occasion de mettre en avant deux autres choristes en situation de solistes : Robert Buckland, ténor à la voix serrée, au timbre sec et vocalisant avec rudesse, mais musicien accompli ayant le souci d’incarner son propos (toutefois davantage expressionniste que le ton allégorique attendu ici) et la soprano Zsusi Toth, qui déploie au contraire une voix de lumière à l'harmonie de l'architecture et de la sérénité du lieu.
Dans le final, As from the pow’r of sacred lays, les impressionnantes imprécations de la soprano lancent le chœur et l’orchestre dans une pièce flamboyante louant l’achèvement de la création, louanges auxquelles se joint le public de ses applaudissements, avec de nombreux rappels gratifiés en retour par un Alleluja (Messie) solennel et coloré !
enregistrement à Versailles en décembre dernier :