Deux Requiem et une Rhapsodie dans la Cathédrale de Saint-Malo
C’est au tintement
des nouvelles cloches fièrement acquises par le diocèse, que le
public prend place à l’intérieur de la Cathédrale Saint-Vincent
de Saint-Malo. Le jeune Ensemble
Sequentiae (créé en 2013) constitué d’une trentaine de
chanteurs semi-professionnels et d’instrumentistes confirmés prend
alors place dans le chœur.
La version retenue pour le Requiem de Fauré est celle de 1893 avec cependant une instrumentation inédite : 6 cordes et 1 cor. L’ajout du cor, audible dès l’accord tenu débutant l’Introït apporte un éclairage lumineux, chatoyant, en harmonie avec le pupitre des voix d’alto, comme en adéquation avec les paroles (lux aeterna) ainsi qu’avec la lumière de la fin du jour distillée par les magnifiques vitraux de la Rosace du chœur. Les voix sont jeunes, fraîches, homogènes, les échanges entres voix féminines bien équilibrées, les attaques précises, les lignes thématiques conduites. Les pupitres d’hommes ont cependant moins de relief, manquant de quelques basses affirmées. La vision proposée est certes éthérée mais un peu diaphane et timide. Les tempi sont souvent étirés, les nuances peu affirmées, le chœur n’habite que peu le sens des mots, en comparaison d’un ensemble instrumental dominant.
Les fragilités vocales du baryton Armand Brossollet s’y ajoutent. Sa voix peu timbrée, tremblotante, aux aigus poussés, avec des attaques hésitantes et imprécises ont du mal à dépasser l’orchestre, d’autant plus qu’il est placé derrière celui-ci. La très jeune soprano Aliénor Bontoux, qui prend la précaution de venir devant l’orchestre, a la voix pure et claire, légèrement vibrée -laissant cependant un peu mourir les fins de phrases ou les mediums par manque de soutien.
Le Requiem de Duruflé en seconde partie, propose au contraire vie et ferveur dès les premières mesures. Le chœur est précis et investi tandis que l’orchestre constitué d’une dizaine d’instruments à cordes et de l’orgue de chœur (de facture contemporaine, Koelig, 1980), coloré, doux et ferme à la fois, nimbe lui aussi de lumière ce Requiem. Les voix s’épanouissent et résonnent dans la cathédrale, les nuances sont davantage exprimées, la souplesse rythmique propre au chant grégorien se ressent dans les pupitres féminins, le style musical riche en contrepoint et en harmonies est mis en évidence. La direction souple et fluide (mais précise) du chef formé à la direction de chœur grégorien, instaure dès lors un débit naturel et très lisse du texte, à l’exception des interventions du baryton. Le Pie Jesu est confié à la mezzo-soprano Mathilde Legrand. Sa voix, davantage déployée, est chaude, le medium chatoyant, légèrement vibré, proche du timbre d’une contralto, dégageant lyrisme et expressivité dans un phrasé soigné.
À ce programme s’ajoute une pièce écrite par l’altiste de l’orchestre Maxence Grimbert-Barré, intitulée Rhapsodie, pour chœur et orchestre à cordes. Le compositeur n’a pas tenté de se mesurer aux chefs d’œuvres que sont les Requiem de Fauré et Duruflé. Il propose une démarche compositionnelle qui va dans le sens de l’humilité : pas de paroles ni de démonstrations techniques ou virtuoses mais un autre cheminement thématique, avec des effets contrastés, mettant en valeur les pupitres féminins par un point culminant dans l’intervention d’une mélopée pure et innocente confiée à la soprano Roxane Vinson, expression d’un besoin vital de vivre après l’épreuve de la mort. L’œuvre est dédiée à la venue récente au monde de la fille du compositeur.
L’opus, tout comme l’ensemble de ce concert, est très apprécié du public et longuement applaudi. C’est apaisé et serein qu’il prend le chemin de la sortie, contournant les sépultures de deux grands aventuriers malouins, le navigateur Jacques Cartier et le corsaire Duguay-Trouin (à qui auraient pu être dédiés ces deux Requiem).