Une Pomme d’Api pleine de saveur : Offenbach au Festival Radio France Occitanie Montpellier
Si Pomme d’Api (1873) est une petite opérette en un acte basée sur un vaudeville à trois personnages (les désamours croisées d'un rentier, de son neveu et de la bonne surnommée Pomme d'Api), elle n’en fut pas moins composée après de nombreuses œuvres majeures (Orphée aux Enfers, Les Fées du Rhin, La Vie parisienne, Robinson Crusoé, La Périchole, Fantasio, entre autres) et s’y retrouve ainsi la singularité charmante du style Offenbach : le raffinement de l’écriture, mais aussi et surtout ce mélange irrésistible d’entrain et de mélancolie, de bonne humeur et de tendresse.
Jean-Christophe Keck choisit de monter l’œuvre comme dans les années 1960 pour les concerts radiodiffusés avec l’Orchestre lyrique de l’ORTF : il endosse ainsi le double rôle de présentateur et de narrateur (tout en dirigeant également les interprètes). Sous sa houlette, les trois chanteurs abordent ce répertoire léger mais exigeant avec leurs qualités de diction indispensables dans ces œuvres dont l’humour jaillit de la fusion ou au contraire du décalage entre ce que dit le texte d’une part, et ce qu’exprime la musique d’autre part, et de surcroît avec humour et conviction.
Lionel Peintre (Rabastens, « quarante-huit ans, trente-neuf pour les dames ») incarne ce personnage d’homme mûr ne demandant qu’à croire qu’il a « encore de la fraîcheur ». Il distille son texte avec humour, faisant entendre une voix de baryton claire et efficacement projetée, notamment dans les couplets qui ouvrent l’œuvre.
Hélène Carpentier (Pomme d’Api), premier prix des Voix Nouvelles 2018, possède un timbre léger qui conserve son caractère juvénile jusque dans le registre aigu (même si la diction perd alors un peu en clarté). Les trois facettes du personnage (fausse ingénuité : « Bonjour monsieur, je suis la bonne », caractère bien trempé : « J’en prendrai un, deux, trois… », amoureuse nostalgique : « Et je vois, l’un près de l’autre / Nos deux noms… ») sont rendus avec efficacité. Enfin, Sébastien Droy se montre à l’aise dans le rôle de Gustave, plus encore dans le registre tendre qu’humoristique, porté par un timbre aux couleurs chaudes, parfois barytonnantes. La ligne de chant est élégante, parée de nuances en duo (« Pomme d’Api ! Ton petit cœur est attendri ») aussi bien que dans sa romance (« Consultez votre cœur »).
La pianiste Anne Pagès, enfin, accompagne les chanteurs avec subtilité (dès les délicates premières mesures de l’ouverture) mais aussi l’entrain nécessaire lorsque le rythme se fait endiablé.
Le choix ayant été fait de ne pas coupler cette opérette avec l’une des nombreuses autres courtes pièces au répertoire, le succès remporté par ce spectacle d’une heure laisserait presque le spectateur sur sa faim, avec seulement une pomme d’api au menu. Certes, mais le public l’aura savourée avec goût, et bien croquante.