À Aix, la Diva Tosca fait son cinéma
Le rideau s’ouvre sur un grand loft qui pourrait faire penser à la version classique d’une célèbre émission de téléréalité, suivant une historique interprète de Tosca, perdue dans le souvenir nostalgique de sa jeunesse glorieuse (Catherine Malfitano). Elle invite un plateau de chanteurs et de techniciens (image et son) à tourner un reportage-documentaire sur le travail en coulisses que représente la production d’une Tosca, celle même du Festival d’Aix. La Diva les guide, les conseille, les oriente. La mise en scène décline et emboîte les jeux de superposition, de décalage, de miroirs et de mise en abyme. Plusieurs tailles d’écrans vidéo (format cinématographique en 16/9) captent et retransmettent les événements sur scène comme dans une cabine de montage d’un studio de télévision (très accaparant pour l'œil, exigeant pour l'attention). La musique reprend ses droits au dernier acte, la mise en scène de la fabrication du spectacle aboutit à une fin comme en version de concert, avec orchestre sur scène et chanteurs en habits de soirée. La vieille Tosca au lit avec son amant entretenu, Cavaradossi en marcel blanc, fumant et buvant force bière en cuisine, passe le relais à la jeune Tosca, qui n’est pas parvenue à enfiler correctement le costume de scène.
Le plateau de chanteurs est soutenu par une direction d’acteur studio pour relever ce défi consistant à démultiplier en temps réel les jeux de rôles. Floria Tosca jeune est incarnée, de plus en plus avec l’avancée du drame, par la soprano américaine Angel Blue (qui effectue ici une prise de rôle). L’organe vocal est sain, homogène, lumineux, de part en part de la tessiture (ce qui peut paradoxalement desservir l’expression d’un personnage en prise avec ses troublantes contradictions). Le calme scénique permet cependant à son Vissi d’arte d’aller puiser dans le brasier profond de son inspiration.
La Prima Donna, son aînée, partenaire en son temps de Placido Domingo (1992), est la soprano américaine Catherine Malfitano. Sa présence d’archive vivante, intensément active dans cette version, donne à sa performance (épisodiquement à peine chantonnante), une dimension autobiographique et autofictionnelle.
Cavaradossi trouve en Joseph Calleja, ténor maltais, l’étoffe latine de son personnage. Les premières amplifications vers l’aigu manquent leurs effets d’ouverture, mais le métier prend le dessus, et les pianissimi, dans ces mêmes zones de tessiture, gagnent leur terrain. L’engagement physique est palpable, authentique, et se confond avec toutes ses strates de personnages. Le baron Scarpia du baryton russe Alexey Markov est implacable, physiquement comme vocalement, toujours froid et raide. Il compose un anti-héros de notre temps, un prédateur mains dans les poches et montre de luxe au poignet, avec une posture vocale suffisante, dans tous les sens du terme. Diction, projection et action, forment les trois angles (obtus) du personnage.
Les quatre rôles secondaires sont sollicités dans leurs retranchements de chanteurs-acteurs : le Cesare Angelotti de Simon Shibambu pour son aisance, le Sacristain Leonardo Galeazzi pour son assise, le Sciarrone de Jean-Gabriel Saint-Martin pour son allure. Enfin, Michael Smallwood compose un Spoletta plus abrasif qu’à l’accoutumée.
La baguette du jeune chef italien, Daniele Rustioni, semble habitée par la tradition vivante de l’orchestre puccinien. À la tête de l’orchestre, des chœurs et de la Maîtrise de l'Opéra de Lyon (où la production sera reprise en janvier 2020), il impulse une énergie débordante, dynamique et vertigineuse, à cette version cinégénique. L’équilibre entre les pupitres et l'attention pour les entrées des chanteurs est pourtant constante, même lorsque le chef et son orchestre passent la rampe (vont de la fosse à la scène).
Le public visiblement fasciné par cette expérience multimédia et l'occasion de voir les coulisses accueille chaleureusement cette production.
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Cette Tosca sera notamment reprise à Lyon (billets dès 19€)
Rendez-vous le 9 juillet à 21h30 pour la retransmission audiovisuelle intégrale.