Sacré profane et profane sacré avec accentus aux Bouffes du Nord
Le début de soirée avec accentus est marqué par des pièces légères, mais dans lesquelles le sacré commence déjà à s’immiscer. Les thèmes, les intentions et les atmosphères abordés par les extraits choisis sont proches d’errements, de méditations spirituelles avec Romance du soir, Calme des nuits et Les Fleurs et les Arbres de Camille Saint-Saëns, ainsi qu'avec L’Obscurité et À la lumière de Reynaldo Hahn. Le reste du répertoire, notamment la Saltarelle de Saint-Saëns ou les chansons et madrigaux de Reynaldo Hahn, assume quant à lui plus franchement sa légèreté et sa gaieté avec des rythmes de danse qui équilibrent joyeusement le programme. La suite plonge l’auditoire dans la Messe de Clémence de Grandval qui apporte un éclairage moins conventionnel à une musique sacrée teintée de mondanités avec les trois jeunes solistes accompagnés par Eloïse Bella Kohn au piano, et Olivier Houette à l’orgue.
Le Chœur accentus s’engage dans ce répertoire avec discernement, intelligence et une maîtrise technique certaine. Les nuances piano et pianissimo ainsi que la précision des messa di voce (conduites de voix) font entendre une homogénéité irréprochable des couleurs, des timbres et des volumes des voix comme des pupitres, amenant un équilibre qui respecte et transporte l’harmonie. Cette balance subtile est moins évidente dans les parties plus intenses, à plus grand volume où, même si elles dégagent la puissance et la force attendues, les altos et les ténors se retrouvent, inévitablement, quelque peu effacés. La lumière est mise sur les basses, en début de programme, qui soutiennent l’harmonie de leurs voix stables, profondes et pourtant claires, en déployant un interminable legato dans ces phrases où le son, ininterrompu, continue et semble ne jamais devoir s’arrêter. La précision rythmique, lorsque la musique est plus enjouée, n’est pas toujours parfaite, notamment au sein du pupitre de sopranos d’où se font entendre quelques désynchronisations. Cependant, la synergie au sein du chœur est palpable, comme entre le chœur et son chef Christophe Grapperon, qui les dirige avec l’entièreté de son corps et n’hésite pas à danser, sauter pour insuffler la passion et l’énergie aux chanteurs.
Éléonore Pancrazi déploie un mezzo-soprano à la fois lyrique et dramatique, avec des graves ronds et chauds (qui perdent toutefois en force dès le bas médium), un tissu ample et fourni, des aigus larges et faciles. L’articulation est claire, précise, au service du texte et bénéficie d’une technique de souffle bien en place. La soprano lyrique Hélène Carpentier se distingue par la douceur dont est capable sa voix pour magnifier les nuances piano et pianissimo. Les aigus sont bien présents, pleins de panaches et sculptés par une diction méticuleuse. Le ténor Artavazd Sargsyan s’engage corps et âme dans la partition. Il déploie une voix puissante, très claire dont les médiums font parfois entendre quelques nasalités qui parviennent à s’effacer dans l’aigu pour laisser s’exprimer ce tissu large et souple.
Par la pureté de leurs voix, la communion au sein de cet ensemble d’exception, la passion dans l’exécution, accentus renforce la dimension sacrée de son répertoire profane tandis que les trois solistes mènent ensemble une Messe teintée de grandiose et de grandeur, contribuant à mettre en évidence les ponts et les liens qui rassemblent ces univers.