Orphée et Eurydice, inspiration et minimalisme au Centre Lyrique de Clermont-Ferrand
La mise en scène de Pierre Thirion-Vallet trouve sa force dans son choix d’être épurée et symbolique. Elle suggère plus qu’elle ne montre. La scène est nue, en dehors de la future tombe d’Eurydice en avant-scène qui devient par la suite le portail mystique vers l’outre-tombe. Les chanteurs du Chœur Régional d’Auvergne constituent, par leurs placements, déplacements, intentions et quelques accessoires simples (fleurs, masques, lampes), l’essentiel du décor de la petite scène de l’Opéra Théâtre. Ils sont soutenus par des astuces techniques (des rideaux, lumières, ombres ainsi que l’utilisation fréquente de fumée et du système de trappes) pour toujours habiller judicieusement les scènes, leur donner ampleur, force et sens, tout en maintenant une grande sobriété.
La mezzo-soprano Éléonore Pancrazi en Orphée (qui nous parlait en interview de cette version révisée en français par Berlioz de cet opus), surprend dans un premier temps, par un jeu exubérant, parfois burlesque, qui tranche avec la retenue des choristes, de la scénographie et de l’orchestre. Sa voix possède un timbre aux couleurs à la fois lyriques et dramatiques, avec des graves ronds et chauds, placés très en avant, un tissu ample et fourni, des aigus larges et faciles. Elle parvient à assumer avec panache les sauts du très grave à l’aigu imposés régulièrement par la partition ainsi que les vocalises rapides qui dévoilent une agilité certaine, encore en développement. La puissance et la projection dont elle fait preuve suffisent à la rendre audible, bien que l’orchestre la couvre parfois dans les nuances mezzo forte à forte. Enfin, Éléonore Pancrazi fait montre de sa maîtrise technique en délivrant un texte clair et articulé (en dehors des premiers « Euridyce ! » qui sont plus devinés que compris) porté par une ligne de souffle et de chant contrôlée.
Retrouvez ici notre interview de cette artiste
Eurydice est interprétée par la jeune soprano Judith Fa qui, après une entrée dans les aigus malaisée, parvient à déployer une voix aux sommets éclatants et puissants, frôlant parfois le strident. Le son est très projeté, à la teinte quelque peu nasale et à l’articulation précise. Clémence Garcia, quant à elle, prend les traits de L’Amour et ravit à chacune de ses apparitions avec un soprano très léger, souple et projeté. Les aigus, spacieux et clairs, sont enrobés d’un timbre particulièrement doux et velouté, et stabilisés par une gestion du souffle irréprochable qui lui permet un grand contrôle de son legato.
Patrice Couineau et l’Orchestre du Conservatoire Emmanuel Chabrier offrent une performance enthousiaste et maîtrisée, contribuant, avec le Chœur Régional d’Auvergne (dirigé par Blaise Plumettaz) à l’habillement subtil de cette production inspirée et minimaliste de la tragédie d’Orphée.