Macbeth et ses sorcières aux pieds de la Cathédrale de Reims
Réglée avec assurance et respect par Frederique Lombart, cette reprise de la production de Macbeth du défunt Jean-Louis Martinoty, sans vouloir paraître révolutionnaire, démontre une dramaturgie précise et explicite. Le huis clos étouffant dans lequel s’enferment Macbeth et sa démoniaque épouse pèse de tout son poids et se trouve comme accentué par les décors funèbres et sombres de Bernard Arnould. La violence règne décidément sans partage avec cette vision des enfants de Macduff assassinés sur scène, de l’adolescent au dernier né, sorte de réplique du Massacre des Innocents. Cette vision frontale sans concession et toute cernée de noir sait conquérir le public rémois qui lui réserve, ainsi qu’à ses interprètes, un excellent accueil.
Alex Penda en premier lieu campe une terrifiante Lady Macbeth. Cette voix aux registres hétérogènes, qui ne travaille pas franchement la beauté du timbre, est incisive et même rugueuse par moments, mais elle sait se jouer de la tessiture éprouvante ici imposée par Verdi. Son chant est constamment électrisant, tranchant, dévoilant un aigu coupé à la serpe et malgré tout flamboyant. Les trois airs sont interprétés avec franchise, sans apprêt et sans concession, couronnés par un suraigu puissant lancé crânement depuis les coulisses à la fin de l’air de somnambulisme.
À ses côtés, les qualités du baryton André Heyboer sont plus strictement vocales, avec une ligne de chant soignée, une voix suffisamment large et bien établie jusqu’à l’air final, de haute tenue. Il manque encore un peu de mordant ou des accents plus vifs à l’ensemble pour parfaire son interprétation, mais il figure parmi les trop rares barytons français dans ce rôle (de nos jours ou jadis).
Dario Russo déploie en Banco des moyens de basse assurés et d’une grande probité artistique. Le Macduff du ténor Marco Cammarrota fait bonne figure et son si bel air du quatrième acte Ah, la paterna mano, est chanté avec élégance et sincérité. Même dans le rôle bien trop bref de Malcolm, Kévin Amiel fait entendre des moyens autrement plus aboutis, une délicatesse de timbre, de ligne et une élévation qui eussent été seyants pour le rôle de Macduff. Charlotte Despaux donne du relief au rôle de la Dame d’Honneur d’une soprano épanouie, comme le solide Docteur de Fabien Leriche.
À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Reims et du chœur ELCA - Ensemble Lyrique Champagne Ardenne (dont les sopranos se distinguent avec talent dans une partie fort exigeante), Robert Tuohy empoigne la partition de Verdi avec un enthousiasme constant et une conviction peu commune. Il porte une attention toute particulière aux départs des chanteurs et des choristes.
Cette production viendra s’inscrire dans le cadre de la programmation 2019/2020 de l’Opéra de Massy avec la même distribution, l’orchestre étant alors dirigé par Luciano Acocella. Elle y sera présentée en novembre prochain.