La Petite Messe Solennelle de Rossini en la Basilique Notre-Dame des Doms d’Avignon
Le public avignonnais est venu nombreux pour assister à ce concert coréalisé par "Musique Sacrée et Orgue en Avignon" avec l’Opéra Grand Avignon. Avant que le concert ne commence, le recteur de la Métropole Notre-Dame des Doms, Daniel Brehier, présente lui-même le programme comme « une bouffée d’air venue d’Italie, […] une prise de hauteur par le Beau, l’Amour et la Foi ».
La première partie est confiée à l’organiste Luc Antonini qui, depuis l’instrument doré qui trône en tribune, fait entendre deux œuvres de compatriotes et contemporains de Gioachino Rossini (1792-1868), Gaetano Donizetti (1797-1848) et Giovanni Morandi (1777-1856), aux mélodies malicieuses et aux effets propres à la vitalité de la musique italienne : autant de caractères qui préparent bien l’oreille à l’œuvre de Rossini, opératique et facétieuse bien que sacrée. Le jeu de l'instrumentiste paraît néanmoins très prudent, limité en souffle comme en liberté de phrasé.
La Petite Messe Solennelle permet d'apprécier les talents solistes. La soprano Ludivine Gombert fait entendre une voix claire, soutenue par un vibrato ample et maîtrisé, un phrasé souple et une expressivité touchante, même si elle semble se préserver lors de son dernier air O Salutaris, indéniablement beau mais sans investissement passionné. L’alto Sarah Laulan envoûte par son timbre chaud et moelleux, à la projection admirablement facile, aidée d’un large vibrato. Leur duo Qui tollis très homogène, marie leurs timbres et résonances à la même fréquence.
Le ténor Pierre-Emmanuel Roubet charme par son timbre onctueux et frais, les intentions soignées de ses phrasés et sa conduite intelligemment menée grâce à une bonne maîtrise du souffle. Se montrant très attentif, il réussit à valoriser avec finesse les subtilités mélodiques, notamment lors du Domine Deus par la richesse maîtrisée d'une palette de timbres. La basse François Harismendy n’est pas annoncé souffrant, pourtant il fait entendre un souffle sans cesse gêné : ses débuts de phrases sont sûrs, avec un timbre profond et valeureux, mais ses phrases manquent ensuite de soutien, ses graves disparaissent et ses aigus sont fébriles.
Sous la direction impeccable de Pierre Guiral, attentif à la conduite et à la souplesse des phrasés, le Chœur de l’Opéra Grand Avignon montre une homogénéité et précision d’ensemble, particulièrement appréciable lors des passages a cappella –plus sûrs même que les quatre solistes–, sur de riches contrastes de couleurs pour Et Resurrexit et particulièrement doux avec l'Agnus Dei.
Le petit effectif instrumental est celui de la première édition de l’œuvre. Certes, un seul piano est ici présent (au lieu de deux) mais l'accordéon était bel et bien une idée du compositeur, qui fut considérée comme trop populaire pour l'Église. Cela étant, le timbre passablement nasillard de l'accordéon ici choisi -malgré la musicalité de son interprète, Eric Pisani- perturbe souvent l’homogénéité, les couleurs et parfois même la fluidité du phrasé du chœur. Les chanteurs, en raison de leur travail professionnel, n'auraient certes pas eu besoin de ce soutien, d'autant que sous les doigts de Catherine Chaine, le piano accompagne déjà finement leurs propositions vocales. Le clavier se faisant même un acteur de l’expressivité de l’œuvre.