Leo Nucci, une légende à Nice en récital
Ce récital lyrique est reçu comme un moment d’exception, tout d’abord, en raison de la santé vocale de l’artiste, résistant à l’usure après plus de 50 ans de carrière (de 1967 à nos jours). Ensuite, pour la grande page d'histoire qu'il incarne parmi les barytons-Verdi historiques encore actifs.
Le programme intitulé Melodie intramontabili (Mélodies intemporelles) ne comporte cependant pas les mélodies italiennes annoncées, mais derrière l’éclectisme apparent d’une alternance d'airs et de plages instrumentales, se dégagent deux, voire trois axes forts : chronologique tout d’abord, en particulier pour Verdi, stylistique ensuite, entre savant et populaire, géographique enfin, à la faveur d’une circulation subtile entre l’Italie, l’Espagne, et la France du grand opéra (mais aussi les résonances populaires de la Villanelle italienne et du Villancico espagnol). Les deux Figaro (de Rossini et de Mozart) passent leur voix franche et solide à Gianni Schicchi de Puccini, plongent chez Les Brigands puis regagnent en noblesse avec le doge de Venise Foscari (personnage octogénaire dont Nucci aura l'âge d'ici quatre ans), Les Vêpres siciliennes, avant de mourir avec Don Carlo.
Clinicien musical et théâtral, Leo Nucci fait passer les complexes passions humaines dès le début de chaque air et à travers une combinaison de qualités : diction nette et claire, conduite du phrasé legato, précision rythmique, longueur de souffle, puissance et nuance, voix d’airain, timbre de braise, occupant tout l'espace acoustique et dynamique, à l'image de son engagement physique et psychologique, expression faciale naturellement millimétrée.
Dernier élément d’exception, l’accompagnement du chanteur par un ensemble sur-mesure : l’Italian Opera Chamber Ensemble composé du Quatuor [à cordes] Leo Nucci, avec harpe, piano et clarinette en sus. Composite, il combine les timbres bel canto, déroule ses fragiles ou intenses lignes mélodiques, les prolonge et réchauffe. Le piano scande et structure l’ensemble d'une interaction scénique atmosphérique avec le chanteur.
La générosité de quatre bis puise dans les romances de Francesco Paolo Tosti, suivi du traditionnel Non ti scordar di me chanté avec et pour la salle, avant que l’« on termine avec l’opéra » (Nemico della patria, extrait d’Andrea Chénier). Une standing ovation salue le chanteur et l’homme Nucci, digne représentant d’une génération pour laquelle l’élégance généreuse du rapport au monde est promesse d’universalité.