Stabat Mater de Rossini : l'Orchestre Lamoureux lyrique et sacré Salle Gaveau
Entre lyrisme et piété, entre l'Opéra et l'Église, si le Stabat Mater de Rossini a d'abord été rejeté comme "trop agréable et divertissant", cet oxymore sera ensuite acclamé comme ce soir de mars 2019 Salle Gaveau. La complémentarité des contrastes est ici portée par l'Orchestre Lamoureux.
Les instrumentistes suivent en élégance la direction contrôlée, précise et claire du chef Aurélien Azan Zielinski. Ce qui ne les empêche nullement de distiller dès les premières notes les souffrances et le pathos de la mère éplorée, parfois même dans un volume un peu trop large et sonore pour les solistes et le chœur de chambre. L'effectif de celui-ci est certes ici un peu juste, les 27 choristes peinant à insuffler un appui lyrique, opératique. L'a cappella "Quando corpus morietur" leur demande la partie la plus délicate de l'opus et ce jeune groupe reste éloigné d'un son homogène. Aucun ne s'égare ni se tend pourtant, le chœur final "Amen" est clair et précis, certes pas lyrique mais dans un recueillement apprécié.
Chacun des solistes se mêle au son d'ensemble tout en conservant l'individualité de leurs lignes et notamment la soprano, Mary Elizabeth Williams (remarquée dans Nabucco à Lille la saison dernière). Remarquée dès son entrée en robe rouge parmi les tenues noires, son style italien est davantage romantique que bel canto mais elle sait se rapprocher d'un classicisme mozartien dans les ensembles. La voix est présente à travers la gamme (hormis le medium inférieur) et passe en douceur sur l'appui de poitrine. Son chant vibrant est plein de nuances tout au long de la performance. Inflammatus et accensus lui offre le sommet lyrique de la soirée et des couleurs répondant à la présence sonore du chœur.
La basse Nahuel di Pierro est l'autre soliste gardant un contact attentif et présent envers le public. Son aria Pro peccatis assure sa place, toujours avec sobriété et nuances. Sa voix est solide de haut en bas et toujours présente avec un timbre latin.
Les voix de mezzo et ténor manquent cependant les véritables envolées lyriques. Dans le célèbre air de ténor "Cujus Animam" notamment, Mark van Arsdale semble plus adapté à un répertoire plus léger. Sa voix a un timbre clair, plus nordique que latin. Il a les aigus faciles mais plutôt en voix mixte (entre tête et poitrine) que pleine. Les phrases (incluant le contre-ré bémol) sont toutes exécutées comme écrites sur la partition, sans effort apparent ni changement de qualité, mais en demi-teinte et sans nullement concurrencer le volume orchestral.
C'est par le duetto Quis est homo avec Mary Elizabeth Williams et dans la cavatine Fac, ut portem (son moment le plus exposé de la soirée) que la mezzo-soprano, Delphine Haidan montre sa spécificité stylistique : un phrasé contrôlé et la douceur d'aigus vibrés, mais elle perd toutefois en présence vocale dans la voix médiane inférieure et sur le forte orchestral.
Les solistes savent cependant s'associer dans un quatuor quasi opératique et le concert reçoit des applaudissements tonnants durant plusieurs rappels.