Fêtes Vénitiennes pour le Festival Mars en Baroque au Théâtre de la Criée à Marseille
Les
folies de l’amour volage charment le Vieux-Port de Marseille
Depuis
2002, la musique baroque prend possession de Marseille avec son Festival Mars en Baroque. Son directeur artistique, Jean-Marc Aymes,
et son Ensemble Concerto Soave interprètent ce soir, au Théâtre de
la Criée, un bel aperçu de l’opéra-ballet Les Fêtes vénitiennes d’André Campra (1660-1744), sur un livret
d’Antoine Danchet. Créée avec grand succès le 17 juin 1710 au
Théâtre du Palais-Royal, l’œuvre se présente en un Prologue et
trois entrées où l’Amour profite du triomphe de la Folie sur la
Raison, en ce temps du Carnaval, pour inciter les jeunes vénitiens à
l’amour volage. Ce soir, la version de concert ne fait pas entendre
l’œuvre dans son intégralité (ôtant des scènes que seules la
mise en scène et les danses imposent) et l’ordre des entrées est également modifié. Malgré les coupures et adaptations, l’auditeur sent
tout de même que cette musique est d’abord écrite pour la scène
et le ballet : les intrigues de chaque entrée sont courtes et s'enchaînent sans le repos des divertissements dansés, l'attention est fort sollicitée par la
compréhension du texte et des différentes situations amoureuses,
dont le seul lien dramaturgique est leur localisation, à
Venise.
Ce sont dès lors les caractères baroques qui servent de repères dramaturgiques, à commencer par la figure de la Folie, incarnée (tout comme Léonore et Lucile) par la soprano Lise Viricel, délicieuse par la fraîcheur et la légèreté de son timbre, sa présence aux aspects innocents mais sûre, avec un soin très appréciable dans la diction.
Le baryton Romain Bockler endosse les rôles des vaillants héros charmeurs, le Carnaval, le chef des saltimbanques Filindo et Leandro. Assuré, il ne fait pas défaut de présence scénique, tout en déployant un timbre d’une belle rondeur (notamment dans les graves), mais qui semble encore davantage travaillé que facile (la fluidité des phrasés pourrait ainsi croître en séduction).
Co-fondatrice de l’Ensemble Concerto Soave, ici la Raison, la surveillante Nérine et Isabelle, la soprano María Cristina Kiehr est plus expérimentée que ses collègues de scène, ce qui s'apprécie dans sa présence scénique et la sincérité de son interprétation. À l'inverse, sa voix ne parait pas avoir la même forme que ses jeunes camarades, moins sûre de placement, parfois limite en terme de justesse, et au texte souvent difficile de compréhension.
Le ténor anglais Sean Clayton montre un admirable travail quant à la langue, dont se ressentent les efforts de diction, soutenus par sa voix chaleureuse. L’Amour malicieux sur scène (et Irène depuis un balcon) est un bonheur réservé à la dernière partie, par la jeune soprano Alice Duport-Percier. Elle sait capter l’attention du spectateur par la luminosité de sa voix, la clarté de ses vocalises et de sa diction. Malheureusement, les parties du contre-ténor Sylvain Manet (notamment d’Eraste), sont tout juste situées à son passage entre voix de tête et voix de poitrine. Ce registre incertain qui n'est pas le sien, perturbe constamment son discours et son assurance vocale par l'hétérogénéité de timbres.
Pour l’accompagnement, les chanteurs peuvent compter sur les musiciens du Concerto Soave, qui savent insuffler un mouvement constant dans cette musique vivante. Cette vie est présente autant lors des interludes instrumentaux que lors des parties chantées, dans une grande attention envers l’équilibre avec les chanteurs. L’équilibre, l’homogénéité et la précision sont d'autant plus à saluer dans cette acoustique d’une salle de théâtre, très sèche pour de la musique. L’exigence et la confiance de Jean-Marc Aymes, qui impulse avec assurance et simplicité quelques départs depuis son clavecin, permettent assurément cette qualité, comme la cohésion et la direction du discours musical sont menées par Marie Rouquié, premier violon.