Cosi fan tutte chamboule-tout au Royal Opera House de Londres
Première incursion en Angleterre du metteur en scène Jan Philipp Gloger en septembre 2016, ce Così fan tutte de Mozart (repris ici par Julia Burbach) a le format d'un "opéra dans l'opéra", présentant le chœur comme un public, des scènes de coulisses, des loges. Durant l'ouverture les solistes applaudissent d'autres solistes sur scène, ajoutant du bruit à l'interprétation peu électrique proposée ici par la fosse. Suivent de longues et nombreuses autres pantomimes (agrémentées de réguliers changements de costumes).
Salome Jicia et Serena Malfi interprètent respectivement les rôles de Fiordiligi et Dorabella et brillent vocalement (elles sont chaleureusement saluées par le public). Malgré leurs lieux de formation éloignés (Tbilissi et Rome), les voix se marient à travers la gamme et le spectre des nuances, notamment dans les grands ensembles (leurs duos étant entachés par des accords orchestraux très imprécis qui compliquent l'horizon des aigus communs). Seule, Salome Jicia a des aigus exquis et un colorature élégant tandis que la mezzo Serena Malfi est infléchie par un riche registre grave aux forts contrastes. Le jeu commun reste cependant assez figé et peu varié, ce qui a notamment son importance dans les scènes étendues, et surtout dans le deuxième acte face à la concurrence féroce de Despina et Don Alfonso.
Dorabella et Fiordiligi sont assorties à leurs homologues masculins : Paolo Fanale dans le rôle de Ferrando et Gyula Orendt en Guglielmo. L'identité de ces messieurs s'affirme cependant vocalement, d'une manière frappante, extravertie et conquérante pour Orendt, mais peu habile (la voix est bien ciblée, présentant une large gamme de couleurs et de timbres, mais le registre de baryton au grave assez léger manque d'humeur). Fanale cherche assurément à améliorer encore son pianissimo, tant il semble enclin aux moments intimes, mais peine alors à garder une projection sur un soutien plein et entier. Avec ses aigus intensément scintillants, il est cependant probable que le rôle de Pylade dans Iphigénie en Tauride de Gluck qu'il interprétera au Théâtre des Champs-Elysées lui convienne mieux.
Sir Thomas Allen a chanté le rôle du vieux philosophe Don Alfonso un nombre impressionnant de fois, mais il y apporte encore de la fraîcheur. Moins vieux sage et davantage terrifiant grand-père, il est un maître de cérémonie espiègle et libre. La Despina de Serena Gamberoni passe sans effort d'une compagne intrigante pour Don Alfonso, à une serveuse de cocktail, conseillère flirteuse peu apprécié de Dorabella et Fiordiligi. Son style demeure énergique et volontariste.
Débutant à Covent Garden, Stefano Montanari semble hélas lui-même dépassé par le rythme rapide de ses tempi et il change tout au long de la soirée les mouvements entre aria, ensemble ou récitatifs (qu'il accompagne lui-même au clavier, rajoutant à la difficulté de sa tâche). Les chanteurs semblent fréquemment tenter de communiquer avec une fosse en décalage.