Michael Volle chante Bach au Théâtre des Champs-Élysées : "Ich habe genug"
"Der Friede sei mit Dir" et "Ich will den Kreuzstab gerne tragen" (La paix soit avec toi et Je porterai volontiers la croix) titres des deux autres cantates pour basse soliste interprétées ici, résument également le concert, la prestation apaisée et sereine, mais difficile.
Cet oxymore entre puissance et faiblesse, caractère imposant et retenue vocale est le fil rouge du concert. Volle domine d'emblée la salle et la scène par une stature imposante et une bonne tête de plus que les instrumentistes, au point qu'il semble les diriger par sa seule présence (avec pour assistant le hautbois baroque solo : en l'absence de chef, et l'organiste ne pouvant diriger car il est littéralement caché derrière l'auguste chanteur). Il les observe d'un regard profond, puissant mais doux, pour mieux recueillir son chant sur son petit livret-partition.
La voix douce est suave mais peu audible et très mesurée dans ses élans expressifs. Pour tenir la longueur, le souffle retient le volume et avance par soufflets, notamment en bondissant vers les passages fugués. Le chant sait se soulever dans la légèreté trillée pour Alleluia mais rappelant que l'ancrage n'est fondé que sur le médium (le baryton chante ici des cantates de basses). La prononciation a une qualité de rondeur cotonneuse mais qui n'aide pas les appuis.
Le niveau de la projection demeure constant face aux larges variations d'effectifs et de pâte sonore : la voix se laisse pleinement apprécier lorsqu'elle est narration sur le seul continuo (réduit à l'orgue et à la viole de gambe, avant qu'un seul violon ne vienne déposer un contre-chant). Les chorals glorieux conclusifs avec ensembles à 18 instrumentistes présentent du chanteur une bouche à l'ouverture sombre mais presque silencieuse, un aigu serré et des cadences morendo.
Si la prestation vocale est tout sauf rassurante, elle exacerbe aussi l'émotion (culminant avec "Ich freue mich auf meinen Tod" : Je me réjouis de ma mort). Très applaudi, Michael Volle est rappelé dès la fin de la première cantate.