Glorieuses Musiques funèbres : Berlioz et Lutoslawski à la Philharmonie de Paris
L’éclectique Pablo Heras-Casado (il dirige des répertoires allant du XVI° siècle à la création contemporaine) est ici placé à la tête d'une double fusion, celle de l'Orchestre de Paris avec l'Orchestre du Conservatoire, et du Chœur de l'Orchestre de Paris avec l'Orfeon Donostiarra. L'effectif (environ 170 + 180 artistes) est de la sorte presque égal à celui de la création. Le volume de la Philharmonie se prête particulièrement à la spatialisation : quatre groupes de cuivres (trompettes, trombones, tubas) se répartissent comme aux quatre points cardinaux, et la brève mais déterminante intervention du ténor au Sanctus se déploie ainsi qu'une prédication en chaire, du sommet de la baignoire proéminente située à jardin. Pour leur part, les dix paires de timbales occupent tout l'arc de cercle en fond de scène.
Les chœurs mettent leur homogénéité, la précision et la netteté des attaques au service de la supplique. À l'orchestre, les cordes graves ressortent avec une noirceur macabre. Le mordant des voix d'hommes sur les mots Dies iræ (par exemple) contraste avec les nombreuses séquences intériorisées (Qærens me a cappella, Hostias et Agnus Dei). L'irruption des trompettes, trombones et timbales, poussées à la sauvagerie, demeure claire et affûtée.
Unique soliste de cette œuvre-fleuve, Frédéric Antoun (remplaçant Bryan Hymel) délivre la tension de sa ligne ascensionnelle à la crête de la tessiture, avec grâce, plénitude et rondeur. La ligne empreinte de piété est très liée, conservant son élégance jusqu'aux u latins prononcés à la française. Sa prestation lui vaut un vif succès lors des saluts.
Pablo Heras-Casado n'obtient pas un silence recueilli aussi long que ses bras levés le demandent, après l'ultime « Amen », il recueille cependant d'un auditoire comblé de longs saluts enthousiastes.