Affects baroques d'Eva Zaïcik Salle Cortot
Sans auteurs documentés, les textes de ces cantates présentent le répertoire d'images et de figures communes à toute la poésie lyrique, déjà présentes dans l’air de cour du siècle précédent et dans les airs pathétiques de l’opéra français. La musique oscille entre airs lents ou tendres avec parfois une saillie pathétique (Louis Antoine Lefevre) ou une envolée joyeuse (Louis-Nicolas Clérambault). Un sentiment général de joliesse et de (re)tenue : celle qui sied au salon aristocratique ou à la Cour, sans nullement chercher l'originalité (au contraire du laboratoire qu'est la cantate italienne). Une douce musique, agréable, prolongée par les pièces pour instruments seuls (notamment les trois sonates de Jean-François Dandrieu, 1682-1738). Mais l’art baroque repose sur la qualité d'invention et de variation dans ces formes familières, qualité quelque peu timide en l'occurrence et dans un premier temps, mais bientôt animée d'italianité, de vivacité, de vigueur même. Les violons tendres ou fougueux animent l’ensemble (incluant clavecin, viole et traverso) en des écrins pour la voix.
La voix d'Eva Zaïcik est dense, étendue, souple, radieuse ou sombre tour à tour. Le souci du juste poids des mots est maintenu dans les notes mixées ou poitrinées avec subtilité. Le chant est sensuel, tendre, pathétique ou narratif quand il le faut dans ces œuvres où la voix incarne à la fois les didascalies et les propos des protagonistes. Un sort est fait à chaque syllabe, dans une prononciation plutôt moderne (hormis les "r" délicatement roulés) et un recours judicieux à l’ornementation. Le tout s'appuie (et réciproquement) sur une présence sereine et radieuse. Tout comme elle puise musicalement dans le répertoire d'ornements soutenant le sens, elle opère des allusions aux codes gestuels baroques et notamment la sobre chorégraphie des mains et de postures générales (accueil, rejet, véhémence, tendresse) évitant la redondance et contribuant à l’effet général délivrant le propos.