L’Instant lyrique d’Anne-Catherine Gillet, ou le souffle impétueux de la jeunesse
Des airs de légèreté se déploient sous le dôme étoilé de l’Éléphant Paname. Le programme entièrement francophone de ce 42e Instant lyrique installe l’auditoire dans un printemps de jeunesse (re)naissante ("Le jour sous le soleil béni...", Madame Chrysanthème de Messager). Une belle place est offerte à l’opérette ("J’ai deux amants" de L’Amour masqué de Messager, "Oh ! la troublante volupté..." de La Reine Joyeuse de Cuvillier), auxquels s’accordent les célèbres bijoux du Faust de Gounod et "Toi qui m’es apparue" du Cendrillon de Massenet. Et pour servir ce programme en fleur, les voix emplies de jeunesse d’Anne-Catherine Gillet et de Victoire Bunel font la paire. De concert ou en solitaire, les interprètes s’élancent avec une énergie communicative à travers ce répertoire dont elles relèvent le mordant et font scintiller l’éclat.
Dans l’espace intimiste de l’Éléphant Paname, aux côtés du piano, la soprano captive par une aisance scénique et un sens du jeu théâtral dont les moindres détails sur son minois sont autant de signes relevant l’interprétation de la voix. Celle-ci ondule rapidement sur toute la tessiture et gazouille, révèle un timbre fruité et une agilité marquant aussi bien les traits rapides et legato que les piquants des staccati bondissants. Coquette (l’air des bijoux), désinvolte ("Comme j’aimerais mon mari"), dévouée ("Le prince charmant"), elle respire un sens de la musicalité faisant fi de la technique pour chercher dans les médiums comme dans les aigus (jusqu’au contre-ut) ce dont elle a besoin pour servir au mieux l’interprétation. À ses côtés, Victoire Bunel paraît au départ moins à l’aise, avec quelques incertitudes dans la voix. Rapidement, elle se reprend, et avec L’amour masqué de Messager (« J’ai deux amants »), elle trouve une assurance nouvelle ("Mon Dieu, que c’est bête les hommes"). L’interprète montre un riche timbre de mezzo. La puissance de ses aigus, embrasant l’espace avec intensité laisse entrevoir par contraste des médiums plus timides. Cette performance vocale ne serait particulièrement réussie sans une diction aussi méticuleuse, le français soigné en toute circonstance malgré certains tempi très allants.
Antoine Palloc assure l’accompagnement avec des mains de maître. Orchestral ou très intime, le son respire d’une constante rondeur, et installe la tonalité de chaque pièce. Souffrant pourtant, le pianiste est même contraint de quitter les lieux, remplacé par la jeune Qiaochu Li, dont le jeu est chantant. La performance de celle qui découvre les partitions au programme fait oublier les quelques coquilles de tempi rapides.
Une ode à la jeunesse conclue par un « Nous sommes deux sœurs jumelles » en hommage à Michel Legrand, partiellement improvisé et dans l’esprit de cette belle soirée.
Réservez vite vos places pour les prochains Instants lyriques de l'Eléphant Paname : Stéphanie d'Oustrac le 18 mars, Marina Rebeka le 15 avril, ou Joyce El-Khoury le 20 mai !