Salon Alma Mahler à la Philharmonie de Paris, un bonheur de dames
Ce "concert sur instruments du Musée" d’Armelle Khourdoïan et Edna Stern donne un aperçu des Lieder de Gustav Mahler en les mettant en regard de ceux, légèrement antérieurs, de Brahms et d’Alma Mahler, dont le talent musical réel fut malheureusement contrarié par son mariage. « Tu n'as désormais qu'une seule profession : me rendre heureux ! », c'est par cette sentence que Gustav Mahler demande à Alma Schindler de renoncer à toute ambition personnelle. Par amour, elle accepte et épouse le grand compositeur.
C’est cette histoire que racontent la soprano Armelle Khourdoïan et la pianiste Edna Stern. L’histoire d’une femme amoureuse bien sûr, mais aussi, week-end Gustav Mahler oblige, l’histoire musicale de deux génies s’inscrivant dans la musique de leur temps entre héritage du passé et volonté de projection vers l’avenir. Le programme de ce salon musical oscille donc entre Brahms, acteur des querelles musicales de son temps bien malgré lui, Zemlinsky, professeur amoureux de son élève Alma et le couple Mahler.
Un très joli programme Mahler (Alma et Gustav), Zemlinsky et Brahms ! Marathon Mahler 2/4 @philharmonie pic.twitter.com/vVi7nNzI3n
— Sarah Brun (@Adora63) 16 février 2019
Pour faire vivre toutes ces musiques, la soprano Armelle Khourdoïan et la pianiste Edna Stern n’hésitent pas à prendre la parole, à lire des extraits de la correspondance entre Alma et Gustav ou à déconstruire la composition d’une œuvre. Ces moments d’échange, forts appréciés du public, transforment alors véritablement ce concert en salon musical.
Musicalement, le jeu d’Edna Stern est puissant et délicat, riche de nuances et de couleurs malgré l’économie de moyens pour une telle gamme de jeux et d’expressions. Elle joue un piano à queue Érard de 1891, issu de la collection du Musée de la musique, qui lui permet des appuis expressifs, tout en se faisant accompagnatrice à l’écoute de la soprano Armelle Khourdoïan. Celle qui vient d'interpréter L’Amour dans Pygmalion de Rameau sous la direction d’Emmanuelle Haïm, chante comme naturellement les amours plus ou moins heureuses des poèmes mis en musique par Brahms et le couple Mahler. Armelle Khourdoïan exploite les couleurs sombres de sa voix souple, délicate et gratifie le public d'aigus pianissimo. Certains aigus forte sortent parfois de la ligne vocale mais c’est surtout la prononciation de l’allemand qui pèche encore chez cette jeune artiste dans un répertoire où le texte est primordial. Certaines consonnes disparaissent en fin de phrase et quelques voyelles demanderaient à être plus différenciées. Nul doute qu’Armelle Khourdoïan saura faire ce travail, en s'appuyant sur son plaisir à partager ce répertoire avec le public.
Un public, venu nombreux, qui en redemande et obtient en bis Ablösung im Sommer de Gustav Mahler. Un homme donc pour terminer un récital où ce sont pourtant les femmes qui ont donné à l’auditoire le plus de bonheur.