Barbara Hendricks en récital au TCE : passées les lamentations, l’espoir
Le
programme, métissé entre des pièces du répertoire de Monteverdi
à Ravel et des Negro
spirituals (chants
sacrés hérités des esclaves noirs des États-Unis au XIXe
siècle), articule différentes facettes du lamento
et de l’espoir avec
cohérence et combinaison des registres.
Chaleureusement applaudie à son arrivée sur scène, la cantatrice investit d’emblée ses personnages, en parlar cantando (parlé-chanté) sur les arpèges et les accords sonores du théorbe de Dohyo Sol. Si la cantatrice montre une certaine fragilité dans la voix (notamment les aigus, assez couverts) et des difficultés de placement, elle n’en garde pas moins sa maîtrise de l’expression, avec un discours au relief apprécié jusque dans ces petites notes haletantes, légèrement détachées en un subtil piano. Hendricks se joue du ground (basse obstinée) comme d'une souplesse rythmique évocatrice du jazz, filant mélismes, vocalises et glissandi audacieux. Le trait sait aussi se faire délicat, les longues phrases en suspension, les pianissimi diaphanes, la voix incantatoire. Enfin, les médiums sont troublants et glorieux, donnant la tonalité des Negro Spirituals.
Les deux instrumentistes portent la voix avec attention et proposent des intermèdes bien ancrés dans le programme. Au théorbe, Dohyo Sol offre un moment méditatif rare avec ses pièces choisies de Kapsberger, des arpèges esquissés qui paraissent improvisés et inspirés dans la rondeur des médiums de son instrument. Après une introduction en allégresse avec le Concerto en sol de Bach, Björn Gäfvert fait vrombir les cloches de Big Ben du Carillon de Westminster pour orgue de Vierne, pièce détonante dont il souligne les métamorphoses du thème jusqu’à mobiliser toute la puissance de son instrument amplifié pour un final en apothéose.
Après une reprise du Joshua Fit The Battle of Jericho accompagné des applaudissements en rythme du public, la cantatrice revient seule sur le devant de la scène en ambassadrice de l’ONU, célébrant le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme par un dernier chant a cappella s’évanouissant dans un « free » soufflé dolce.