La Messe en ut de Mozart : épurée et achevée par Pungier et Tanguy à Nantes
Dès les premières
notes, quelque chose d’inhabituel se dégage pour un concert de
musique sacrée. Outre l’acoustique mate du Théâtre
Graslin (en opposition avec la réverbération et les
résonances des églises habituelles),
l’atmosphère épurée par l’ensemble réduit à un octuor à
vents, une contrebasse, un orgue positif, un chœur « chambriste »
de 17 chanteurs et quatre solistes, mêle les subtiles couleurs des
instruments anciens aux timbres des chanteurs jusqu’aux dernières
dissonances a cappella pianissimo.
Toucher à une œuvre magistrale peut relever de la gageure. En réduisant l’orchestre à un octuor à vents, Gildas Pungier reprend une formation appréciée par Mozart lui-même puisqu’il avait transcrit ou fait transcrire certains de ses opéras pour ces instruments. Pour Pungier, également chef de chœur, les œuvres du passé ne sont pas figées et peuvent évoluer selon des principes subjectifs en cohérence avec un cadre stylistique. Un investissement qu'il met également dans sa direction précise, délicate et passionnée. Eric Tanguy, quant à lui, a choisi une composition uniquement pour voix au caractère méditatif, se terminant dans le mystère du silence, faisant le lien entre passé et musique de notre temps.
Pour interpréter cette « nouvelle partition », Gildas Pungier fait appel à l’Ensemble A Venti (dirigé par Jean-Marc Philippe) spécialisé dans l’interprétation sur instruments anciens du répertoire des XVIIIe et XIXe siècles. Le jeu des différents musiciens, subtil, équilibré, raffiné se marie avec les voix du Chœur de chambre Mélisme(s). Ce dernier relève avec maîtrise les difficultés de la partition tout en restant fidèle à l’esprit de « dépouillement intérieur » propre à la musique mozartienne. La disposition du chœur change afin d’offrir de pertinentes reconfigurations spatiales, faisant entendre chaque ligne vocale, impliquée.
Les quatre solistes ne sont jamais mis en difficulté par le volume ni les effets, de l'orchestre ni du chœur. Ils apportent ainsi jeunesse et fraîcheur appropriées pour l’interprétation de cette Messe écrite par Mozart peu après son mariage. La voix du baryton Jean-Christophe Lanièce au timbre clair finement vibré, aux vocalises et aux aigus légers, à la diction impeccable, fait bel effet lors de sa première apparition dans une œuvre peu connue, la cantate Grabmusik. La voix nuancée et veloutée de la soprano Violaine Le Chenadec apporte douceur et délicatesse dans plusieurs de ses interventions, notamment l’Incarnatus est de la Messe. À l’écoute des musiciens -et réciproquement- son chant se mêle harmonieusement à la clarinette et au hautbois. Dans l’Agnus Dei final, elle dévoile un autre aspect de son talent, une voix plus timbrée, plus élargie, apportant à cette création l’émotion attendue.
L'autre soprano, Harmonie Deschamps, après une première intervention dans Grabmusik où elle ne semble pas très à l’aise (la voix un peu serrée et des aigus tendus), s’épanouit dans la Messe, dévoile sa ligne de chant, maîtrise les difficultés de la tessiture avec aisance. Enfin, Matthieu Chapuis mêle aux autres voix son timbre de ténor bien projeté au medium chaleureux pour les duos, trios ou quatuors. Tout comme Jean-Christophe Lanièce, il chante également dans le chœur.
Après des applaudissements chaleureux, le chef, avec l'humour d'une antiphrase, propose en bis une œuvre « tout aussi peu connue » que la Messe : l’Ave Verum.